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dimanche, 11 novembre 2012

UN TOUR DANS L'ÎLE DU SOUVENIR

Pensée du jour :

POURTRAIT 1.jpg

"POURTRAIT" N°1

 

« L'homme se prouve par le chapeau mou, qui le distingue des autres primates. Mais, même prouvé par le chapeau mou, l'homme a beau être réellement homme, l'Italien l'est encore plus que lui. D'abord parce qu'il ajoute des plumes au chapeau mou, des plumes vertes qui font lyrique. Rien n'est plus beau que de le voir se marier dans cette parure ornithologique. En chantant Sole mio. On dirait l'oiseau-lyre. J'ai eu ce bonheur en Italie. C'est un tableau qu'on n'oublie pas ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

Je ne peux pas laisser passer un 11 novembre sans ajouter mon petit gravier à l'édifice national commémoratif, n'est-ce pas ? J'invite d'abord le lecteur à faire un détour par les albums ci-contre, ne serait-ce que pour marquer le coup, en faisant observer que je me suis arrêté aux communes françaises dont le nom commence par la première lettre de l'alphabet, et que je n'ai inséré qu'une faible partie (139 photos) des 942 images dont je dispose. Je me suis permis d'ajouter un album des photos que j'ai prises au cours de mes pérégrinations en France et autour de Lyon.

 

 

 

GEORGES BRASSENS chante : « Un 22 septembre, au diable vous partîtes, Et depuis chaque année, à la date susdite, Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous, Mais nous y revoilà, et je reste de pierre, Pas une seule larme à me mettre aux paupières. Le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous ». J’espère que nul Européen ne cédera à cette tentation du désamour, s’agissant du premier suicide de sa terre natale.

 

 

Car il s’agit bien de la guerre de 1914-1918, et la chanson de BRASSENS n’était qu’un prétexte pour parler à nouveau de la « Grande Guerre », de la « Der des Der », bref, de la Première Guerre Mondiale. Et cette guerre n’a jamais été Un long dimanche de fiançailles (JEAN-PIERRE JEUNET, 2004, avec AUDREY TAUTOU), non, elle fut le premier « long suicide européen ».

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JE N'INVENTE RIEN : JE TIRE CE TABLEAU DE LA REVUE BT2

(n°53, novembre 1973, revue du réseau CELESTIN FREINET)

 

Un suicide intrépidement poursuivi en 1939-1945 (avec une tendance à l’exportation), et probablement en train de se consommer aujourd’hui. L’ironie de l’Histoire est féroce : c’est au moment où elle croit qu’elle va parachever son édification (la « construction européenne ») que l’Europe a sans doute signé son propre permis d’inhumer, et commencé à creuser son propre trou de ses propres mains.

 

 

Et c’est épouvantablement normal : cette Europe-là est un mensonge qui remonte au coït inaugural de ses premiers parents, quand ils l'ont conçue comme un piédestal pour la Grande Privatisation du bien commun (qui portait en France le nom devenu dramatiquement ringard de "Service Public"). Passons.

 

 

Pour revenir à 14-18, nous commémorons aujourd’hui la fin du premier massacre industriel de l’histoire, une énorme broyeuse des enfants mâles de grands pays. Un massacre que GEORGES BRASSENS a célébré à sa manière dans une chanson plus connue que celle ci-dessus. 

MONUMORT MONTCHAT 9 11 2012.jpg 

 

Le journal Le Progrès le fait – de façon assez digne, je dois dire – dans son numéro lyonnais du 9 novembre (dans les pages locales), en citant les noms de l’initiateur et du sculpteur auxquels le quartier de Montchat doit, selon lui, de posséder le premier monument aux morts (il porte 170 noms !). Vous avez dit « premier » ? Mais premier de quoi ? En France ? A Lyon ? Aucune idée. D’ailleurs, peu importe.

MONUMORT LYON PHOTO.jpg

PARC TÊTE D'OR : NOTRE "ÎLE DES MORTS" EST AU MILIEU DU LAC

 

L’important est d’y penser. Rien qu’un jour par an, ce n’est pas beaucoup. Et encore, un petit moment dans la journée. Le monument de Lyon a les dimensions d’un temple. Il fallait bien ça. Il a été élevé à partir de 1920. Il occupe l’intégralité de l’ « île du souvenir », au milieu du lac du Parc de la Tête d’or. Il est en forme de rectangle très allongé. On y accède par un tunnel qui passe sous le lac : il faut descendre des marches, remonter des marches (quand la grille n'est pas fermée, ou alors il y a la nage).

MONUMORT LYON ACCES.jpg

On commence par faire le tour du « temple », pour prendre conscience - on en est effaré ! - du trou que la guerre a creusé dans la population mâle de la ville : tous les prénoms et les noms ont été gravés méticuleusement, l'un derrière l'autre, sur des plaques qui ceinturent l’espace du monument proprement dit.

 

Pour vous faire une idée, dites-vous, en regardant la photo ci-dessous, que toutes les parties rectilignes extérieures du quadrilatère sont couvertes de noms, quasiment à hauteur d'homme.  De quoi peupler une ville mieux que moyenne.

 

Au total, ce sont 10.600 noms qui figurent ici, et 76 plaques ont été nécessaires. Il faut penser à ces milliers de noms comme à des hommes encore debout. Je vais vous dire : ça ferait du monde aujourd'hui. Et l'histoire du "regroupement familial" ne serait qu'une mauvaise blague, absolument incompréhensible (la remarque s'adresse à ceux qui pensent qu'on peut refaire l'histoire).

monumort lyon photo a.jpg

MERCI MALGRE TOUT A GOGOL

 

Je ne sais pas quelle est la pierre qui a servi à fabriquer les plaques, en tout cas, elle est assez friable pour avoir rendu nécessaire une restauration générale qui sera achevée (théoriquement) en 2013 : la plupart étaient devenus illisibles, au point que certains venaient compléter un nom ou un prénom au feutre noir, façon comme une autre, finalement, de rendre hommage à un mort. L'opération aura coûté 800.000 euros aux contribuables lyonnais, si le devis est respecté. La mémoire, ça se paie.

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Pour accéder au monument, il y a encore quelques marches à monter. L’esplanade est vaste. Le « saint des saints » (si l’on veut) du temple est situé dans la partie nord, et se compose de deux parties. Une sculpture représentant des hommes (six, je crois) portant sur leurs épaules un cercueil revêtu d’un long voile (un drapeau ?) qui semble flotter lourdement ; et puis une sorte de crypte : il faut descendre plusieurs marches pour se trouver face à un livre ouvert, protégé par des vitres. Je crois bien, sauf erreur (je ne le jure pas) que les pages portent elles aussi les noms des morts.

MONUMORT LYON ÎLE.jpg

 

A l’occasion du 11 novembre 2012, j’espère que vous ne m’en voulez pas trop d’avoir proposé cette petite visite dans « l’île du souvenir ».

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mercredi, 03 octobre 2012

ANIMAUX DES MONUMENTS AUX MORTS

Résumé : j’ai commencé à évoquer, en même temps que le passage de la guerre artisanale, éventuellement chevaleresque, à la guerre industrielle, la disparition programmée des animaux des paysages de champs de bataille, comme le montre la quasi-absence des bêtes dans les monuments aux morts.

 

Cette guerre-là, donc, est encore artisanale. A propos des hommes, certains parleront volontiers des derniers « chevaliers du ciel », même si le seul point commun (et encore) avec la chevalerie est le duel que se livrent deux hommes. Je ne tomberai pas dans le ton épique et parfois grandiloquent et suranné qui est celui de René Chambe, quand il évoque dans ses livres tel ou tel épisode guerrier dont il fut témoin ou auquel il a lui-même participé. Notre époque fatiguée, où l’esprit baigne dans un bouillon où se diluent inexorablement les nations européennes, est totalement impropre et imperméable à l’idée de grandeur.

 

Ajoutons toutefois, pour rendre les honneurs militaires à ses mânes éminemment respectables, que ces duels étaient teintés d’élégance morale, de loyauté et de courtoisie. Je retiens aussi, pour mon compte, l’artisanat instinctif du chasseur qui guette sa proie, espérant que son œil et son doigt feront la différence.

 

Car la carabine, disons-le, est très tôt renvoyée à ses chères études par plus fort qu’elle : la mitrailleuse. Roland Garros a l’idée du premier bricolage (des plaques de métal sur les pales de l’hélice). L’Allemand Fokker l’améliore en concevant tout un mécanisme pour synchroniser l’hélice et la mitrailleuse. Bref, on n’arrête pas ce progrès-là, même si ce qui se passe au sol a quelque chose à voir avec un insondable « régrès ».

 

Si Georges Brassens, sur le mode léger (en apparence), peut chanter : « Moi mon colon, celle que j’ préfère, c’est la guerre de 14-18 », c’est qu’elle est, d’une certaine manière, entièrement nouvelle. Pour la première fois, la population masculine dans son ensemble est considérée par les chefs politiques et militaires comme un énorme réservoir de matière vivante dans lequel il suffit de puiser. L’historien britannique Eric Hobsbawm ne fait pas démarrer par hasard son histoire du « court XX° siècle » en 1914, année qui marque le début de la course à l’arme atomique. Cette guerre a amené la technique et l'industrie au pouvoir.

 

Le rouleau compresseur de la folie guerrière et fratricide lamine les hommes : il y a environ 40.000.000 de Français en 1914, dont la moitié approximative de sexe masculin, à laquelle il faut ôter au moins 1.712.000 morts (8,5 % des mâles), sans compter 4.000.000 de blessés (20 % des mâles) et invalides. On peut presque dire qu’un tiers de tous les hommes de ce pays ont été soit éliminés, soit marqués à vie dans leur tête et dans leur chair.

 

J’en arrive aux animaux : la première guerre mondiale constitue le point final (ou peu s’en faut) de leur présence sur les champs de bataille, de leur utilisation comme auxiliaires de guerre. A cet égard, il est frappant de constater leur absence pour ainsi dire complète du champ des monuments aux morts : j’en ai à ce jour recensé 14 (il y a 36.000 « monumorts » en France). Autant dire RIEN : ils ont été purement et simplement évincés du paysage.

 

Les quelques exceptions que je présente comportent d’ailleurs une bizarrerie : sur les 14 monuments, 6 portent des lions (si !). J’en tire quant à moi une conclusion qui ne vaut que ce qu’elle vaut : l’animal est devenu inutile, comme il le deviendra quelque temps après dans les travaux des champs, dans les transports,… La guerre de 1914-1918 est une guerre mécanique, comme le montre la naissance du char d’assaut, qui apparaît pour la première fois le 15 septembre 1916. Face au Monstre mécanique (François Jarrige, éditions imho, 2009), l’homme n’est plus rien.

 

Hommage soit donc ici rendu aux quelques rares bêtes parvenues jusqu’à nous dans les monuments aux morts. J’éviterai de mentionner le coq, trop tarte à la crème patriotique, surtout quand il est présenté en train de terrasser l’aigle impériale. J’ai montré dans mon billet précédent (et ci-dessus) deux monuments impressionnants, comportant des chevaux.  On trouve aussi le chien.

 

Dommage que l'animal soit le grand oublié des monuments aux morts. Mais certainement révélateur. Et sans doute prémonitoire. 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 18 septembre 2012

MUSIQUE TECHNO : L'AGRESSION

A partir d'aujourd'hui, et pendant quelque temps, les amateurs et les curieux peuvent visiter l'album de photos ci-contre, où j'ai rassemblé quelques-unes des effigies des obscurs héros qui, jour après jour, font en sorte que la langue travaille sur elle-même, se ressource en explorant ses propres profondeurs, se renouvelle en s'efforçant de cultiver une certaine idée de la beauté. On les appelle du drôle de nom de POETES. J'espère qu'il est inutile d'indiquer qui est (peut-être, on n'est pas tout à fait sûr) placé à la porte d'entrée de l'album.

 

 

 

Pensée du jour : « Quand nous avons raconté des légendes, c'est que nous n'avions rien de mieux sous la main. Toutes les légendes ne sont d'ailleurs pas à mépriser. Une hyperbole n'est pas un mensonge ; et bien des légendes, en dépit de leurs embellissements et de leurs miracles, contiennent un fond de vérité ».

OMER ENGLEBERT

 

 

S’il est donc bien vrai qu’on est ce qu’on écoute, alors franchement, je ne voudrais pour rien au monde contempler l’intérieur d’un « raver » (prononcer « rêveur »). Quel est le mystique contemplatif qui a dit que la musique adoucit les moeurs ? Tout ça, c'est des fariboles. C'est fini.

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Je l’imagine fort bien carbonisé, tout cabossé par les décibels (et pas seulement). Remarquez, cela autorise peut-être à les considérer comme « en phase » avec leur époque. Car il faut bien dire que la carrosserie de l'époque actuelle ressemble à celle d’une voiture après un violent orage de grêle.

 

 

J'ai un reproche final à faire à la techno. Ce n'est pas une "culture", c'est un SYMPTÔME. Car le son musical (le vrai) obéit à quatre paramètres principaux : le timbre (quel instrument ?), la hauteur (aigu / grave), la puissance (de pppp à ffff), la durée, qu'un nommé "compositeur" fait varier au gré de son "inspiration". 

 

 

 

Sans entrer dans les détails, je reproche à la techno de réduire le son musical à sa plus simple expression : le tempo (le plus rapide possible) et l'intensité (le plus de décibels possible). La techno, c'est la pauvreté musicale, la misère sonore la plus abjecte, à laquelle le fabricant ajoute la puissance électrique pour en masquer le dénuement foncier.

 

 

 

Une fois les quatre paramètres décidés par le DJ ("jockey de disque", que je traduis en français, et sans contresens : qui fait du cheval sur le disque !), on envoie la sauce. Il est vital ensuite de ne rien changer, ou alors des virgules et des queues de cerises. Il importe d'instaurer une implacable uniformité de fond.

 

 

Changer de tonalité (modulation) ? D'abord qu'est-ce que c'est, la tonalité ? Introduire une mélodie ? Vous dites ? Mélodie ? Connais pas. Exploiter la dynamique (du pianissimo au fortissimo) des sons ? Tu m'insultes ? Passer d'une saltarelle à une valse (changer de rythme) ? Tu te fous de ma gueule, ou quoi ? Vous avez compris : même si le DJ est monégasque et passé maître dans l'art d'infliger des scritch et des scratch au malheureux microsillon, dès que vous lui parlez vraiment de musique, vous lui parlez chinois.

 

 

 

Le DJ est payé pour être habile, pas pour connaître la musique. Il manipule du tout prêt, il combine de l'existant, il recrache du prédigéré. Mais il est désespérément incapable d'inventer quoi que ce soit de nouveau. Disons, si vous voulez, que la musique techno associe curieusement ce qu'il y a de plus archaïque dans les musiques humaines (la REPETITION indéfinie : écoutez les musiques des traditions arapaho, aka, aborigènes, tchouktches ou nénètses) et la puissance de l'électricité. C'est à peu près tout.

 

 

 

Maintenant, si l'on veut comprendre ce que signifie le phénomène, on peut sans doute mettre la musique techno en relation avec les morceaux de métal que certains s’enfoncent dans la viande pour orner une ou plusieurs parties (en général, mais pas forcément) visibles de leur cuir. Elle est sans doute aussi conforme à l’habitude de certains de se faire injecter dans le derme diverses encres colorées et indélébiles, pour en orner la couche la plus épidermique de fort décoratives figures "artistiques".

 

 

Tel s’en remettra, pour son biceps, à la grâce d’un idéogramme chinois pour déclarer à sa belle « je ne suis heureux qu’avec toi, ma perle de rosée ». Telle autre aimera que s’envole, au-dessus du sillon de ses fesses ou de sa toison pubienne, un superbe papillon émeraude et grenat aux ailes majestueuses bordées de noir. Un « biker » doté de moyens fera appliquer sur son torse musculeux un rapace aux ailes largement éployées, armé d’un bec et de griffes redoutables (pour faire peur aux décibels, sans doute). TATTOO 4.jpg

 

CI-CONTRE, ON CUMULE 

(SPHINX "TÊTE DE MORT", SANS PARLER DU RESTE, MAIS TRISTES COLORIS, PAS COMME LES YAKUSAS)

 

Enfin, certains n’hésitent devant rien : pour eux, ce sera l’image de ce qui reste de la tête humaine  après que la chair en a été ôtée au moyen d’un suffisant séjour souterrain par diverses formes vermiculaires de la vie : « Quand de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devoree et pourrie » (FRANÇOIS VILLON. En cadeau : « Quelques vers de Maître François », ajouterait Tonton GEORGES).

 

 

L’avenir est donc à la scarificationSCARIFICATION 1.jpg – prochaine étape en perspective. Nous verrons bien si la scarification des dites chairs viendra, telle la cerise du désir de "vivre à fond" sur le gâteau de la "pleine réalisation de soi", tel le pyramidion coiffant sommitalement la pyramide, porter à son comble la parenté de notre civilisation vieillissante avec les coutumes les plus coutumières et les us les plus usuels de l’humanité humaine la plus archaïque, dans une sorte de mouvement mobile de ressourcement au sein des origines originaires. Une façon de boucler la boucle, quoi.

 

 

Au fond, quand on regarde les manifestations visuelles (tattoo, piercing, scarification, mais aussi tag, graff, etc …) et sonores (techno, rap, slam, …) de l’époque actuelle, n’y a-t-il pas une relative cohérence ? Il est certain qu’on veut se manifester au dehors : à quand la "piercing pride" ? La "tattoo pride" ? C'est certain, on tient à poser sa marque sur soi-même, et à la brandir comme un étendard. S'affirmer ? Sans doute. Faire croire que cela constitue un nouveau message, une nouvelle "bonne nouvelle" (évangile) à offrir à l’humanité ? Le mythe de Narcisse est plus ancien que ces vaguelettes à la surface de la mare aux canards boiteux. 

 

 

 

On voudrait bien faire croire qu’on invente les formes et les contenus de l’avenir. Mais en réalité, on est porteur d’un simple créneau sans autre horizon que lui-même, destiné à écouler les produits d’une filière marchande, et à être remplacé dès que le besoin mercantile s'en fera sentir. Le futur s’élabore dans des bureaux d’études, avec pour objectif d'en faire quelque chose de rentable.

 

 

Certes, il s’agit d’une génération bien précise et située dans le temps, les circonstances et les modalités. Mais si vous voulez le fond de ma pensée, il semble qu’il y ait un point commun à toutes ces affirmations de soi, sur soi et hors de soi. Avec pour seul contenu la touillette qu'on tourne dans la tasse du cercle vicieux de sa pauvre envie. Le thème qui est la signature de la dite génération ? Appelons-le :  

 

L’AGRESSION.

 

 

Agression, le tag. Agression, le graff. Agression, la posture du rappeur. Agression le décibel de la techno (c'est dans quel film de FEDERICO FELLINI, l'immense entrepôt qui fait figure d' "enfer musical" ?). Et si l'on va par là, agression publicitaire, agression télévisuelle ... Finalement, qu'est-ce qui n'est pas une agression, dans le monde cabossé que nous avons fait ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

 

lundi, 10 septembre 2012

L'ART D'AGATHE DAVID (PREAMBULE)

Pensée du jour : « Achras : Ô mais, c'est qué - y a point d'idée du tout de s'installer comme ça chez les gens. C'est une imposture manifeste ...

M. Ubu : Une posture magnifique ! Parfaitement, monsieur : vous avez dit vrai une fois dans votre vie ».

 

ALFRED JARRY

 

 

Je signalais, il y a quelques jours en bas de page, l'exposition AGATHE DAVID qui a lieu depuis jeudi à la Galerie Gilbert Riou (1, place d'Ainay, mais l'entrée est située rue Vaubecour).

 

GALERIE GILBERT RIOU.jpg 

 

AGATHE DAVID est une artiste. Comme je les aime. Car, contrairement à tous les « artistes » figurant dans mon album « art con et temporain » (ci-contre, n’hésitez pas à découvrir 80 façons de tuer l'art, à m’engueuler, voire à mépriser le néandertalien que je suis éventuellement), AGATHE DAVID ne désespère pas de la création artistique. Cette rareté attire forcément l'attention et la curiosité.

 

 

 

C’est vrai, aujourd’hui, la plupart des « artistes » ont emboîté le pas à MARCEL DUCHAMP. S'il n'est pas en personne le meurtrier, il en est l’emblème et le héraut. Le porte-parole et le messager. Le ready made (ci-contre, la "roue de bicyclette") agathe david,art,dessin,exposition,galerie gilbert riou,lyon,art contemporain,marcel duchamp,andy warhol,jeff koons,cicciolina,ready made,une charogne,baudelaire,georges brassens,campbell soup,zombie,mort-vivant,pierre tombal,hardy et cauvina mis le point final au parcours millénaire de l’Art. Or le ready made, c'est l'appel de trompette après lequel il n’y a plus qu’à déclarer : « L’ART est mort ! Il est temps de vous repentir ! ». Pour la suite, voir l'Apocalypse de Jean.

 

 

Mais celui qui souffle dans la trompette (et la cohorte de ceux qui le suivent), en même temps qu'il sonne "Aux Morts", comme un 11 novembre ordinaire, ouvre un extraordinaire marché à toutes sortes d’hommes d’affaires. Certains protestent en vociférant : « TOUT EST ART ». Mais je rétorque : « Et alors ? Quelle différence ? ». Et toc ! C'est vrai, ça : si la réalité, la nature, nos objets sont de l'art, où il se trouve, l'art artistique ? Si vraiment tout est art, ça signifie juste que plus rien n'est art.

 

 

« Art con et temporain », donc : en plaçant JEFF KOONS à la porte d'entrée de l’album ainsi intitulé, en train de saillir (il n'y a pas d'autre mot, n'est-ce pas ?) sa femme, l’actrice porno CICCIOLINA, c'est une modalité de la mort de l'ART que je voulais illustrer. 

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On constate  pourtant, éberlué, que le cadavre de l'ART a revêtu, depuis les « audaces » de DUCHAMP (1913 et après, avec l'invention du READY MADE, qu'il soit "aidé" ou non : PORTE BOUTEILLES 2.jpgporte-bouteilles, "fontaine", stoppage-étalon, ... On en fête bientôt le centenaire, préparez-vous, il est temps de vous repentir), une infinité de cadavres bien vivants, dont l’énumération gonflerait inutilement cette modeste note.

 

 

Il n’y a pas besoin d'un couple forniquant pour confirmer l’obscénité essentielle, pour ne pas dire la pornographie d’une bonne part de ce qu’il est convenu d’appeler « art » contemporain. Disons que cette copulation symbolise assez bien une des grandes tendances de l' « art » contemporain : j'ai nommé le FOUTAGE DE GUEULE. DUCHAMP 20 FONTAINE 2.jpg

 

 

Il est peut-être bon de rappeler que JEFF KOONS a commencé comme « courtier en matières premières » à Wall Street, et que s’il a changé d’orientation « professionnelle », s’il s’est lancé dans l’art, c’est, je le cite : « en tant que vecteur privilégié de mechandising ». On n’est pas plus « honnête ». Il ne s’agit de rien d’autre que de « glorifier des produits de consommation ». Comme son prédécesseur et mentor ANDY WARHOL.

 

 

 

Disons le fond des choses : l’artiste con et temporain n'est en général qu'un pervers nécrophile, qu'une  chair nécrosée congénitale. Il prospère sur le cadavre de l’Art, comme l’insecte nécrophage sur la dépouille animale gisant au bord du chemin :

 

« Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d’été si doux :

Au détour d’un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

 

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d’exhalaisons ».

 

CHARLES B. (je vous laisse deviner)

 

Après la mort de l’ART, donc, voici l’ « art-mort ». Debout les morts, entendait-on dans les tranchées de 1914. Eh bien qu'on se rassure : c'est chose faite ! Et qu'on se le dise, le cadavre se porte comme un charme :

 

« On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,

Vivait en se multipliant ».

 

 

Si GEORGES BRASSENS pouvait parler, il dirait : « On s’aperçut que le mort avait fait des petits ».  Car après le second coup de grâce dans la nuque de l'ART, porté par ANDY WARHOL, le cadavre se met à vivre sa vie, pleinement, joyeusement et « artistement » : « J’ai commencé comme artiste commercial, je veux finir comme artiste d’affaires » (WARHOL).WARHOL 7.jpg

 

 

DUCHAMP ayant rédigé l’acte de décès à coups de « ready mades », WARHOL pouvait introduire la dépouille mortelle de l’Art dans l’univers de la marchandise et de la publicité, et le marchand d’ « art-mort » commercialiser ses charognes « pleines d’exhalaisons ». Car je pense qu'on sera d'accord : il n'y a rien de plus mort qu'une marchandise. Pire : une marchandise érigée en être vivant.

 

 

Si vous n’avez jamais vu un cimetière en effervescence, prenez un billet pour Le Caire, où beaucoup de drôles de silhouettes, de jour comme de nuit, errent entre les tombes. Elles ont investi les caveaux et les pierres tombales. Les gens normaux s'interrogent. Les cimetières du Caire connaissent une belle animation, même si elle est encore honteusement minimisée par les tour opérateurs. Vous verrez qu’il n’y a pas plus vivant qu’un cimetière.

 

 

 

L’art contemporain, c’est pareil : un univers de ZOMBIES, de morts-vivants, qui s’activent, s’affairent, font des affaires, essaient de « percer ».agathe david,art,dessin,exposition,galerie gilbert riou,lyon,art contemporain,marcel duchamp,andy warhol,jeff koons,cicciolina,pornographie,ready made,une charogne,baudelaire,georges brassens,campbell soup,zombie,mort-vivant,pierre tombal,hardy et cauvin Une seule solution : l'évacuation. Tirez la chasse. S'il n'est pas trop tard.

 

 

A la rigueur, reportez-vous à Trou dans la couche d’os jaunes, dans PIERRE TOMBAL 4.jpgla série « Pierre Tombal », de HARDY & CAUVIN, éd. Dupuis.

 

 

 

L'art con et temporain est plus mort-vivant que jamais.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre, AGATHE DAVID.

 

 

 

mercredi, 15 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (2)

Pensée du jour : « Ceux qui ont les lèvres déliées, dures et enflées près des dents canines, comme les porcs, méprisent l'honneur et ont l'âme basse ». Giambattista Della Porta, 1586 

 

 

La secte protestante fonctionne en religion comme le groupuscule trotskiste en politique : tant que vous n’êtes pas arrivé à un parti dont les cotisants se réduisent à un seul membre (ajoutons ses femmes et ses  enfants), il vous reste des possibilités de scission. N’hésitez pas à en profiter : tant qu’il reste du fractionnement en vue, tous les espoirs vous sont permis.

 

 

Dans un parti politique, comme dans une religion, on n’est jamais trop peu nombreux. Prière et merci de méditer cette phrase. Et de retrouver la chanson de GEORGES BRASSENS qui traite du problème de façon lapidaire, complète et philosophiquement irréprochable.

 

 

Ensuite, ce qui fait la force d’une secte protestante (en particulier américaine, mais pas seulement), c’est l’argent. On ne se doute pas de l’intensité du caractère décomplexé du protestant face à l’argent. Plus le protestant possède d’argent, plus ça le rapproche de Dieu. Ma parole, je te jure que c'est vrai !

 

 

Cette conviction l’amène à développer des stratégies auprès des riches, à creuser parallèlement au fleuve de la fortune bancaire de ces « élus » (au sens mystique, comme au sens politique), de minuscules canaux de dérivation, des ruisseaux de contournement, comme des drains posés dans une plaie qui suppure et qui pue, faits pour recueillir le moindre excès d’odeur malsaine qui pourrait émaner de la dite fortune. La secte protestante, à l’égard de l’argent, a le nez bouché.

 

 

C’est pourquoi, mes bien chers frères, il est vital de revenir avec ferveur, dévotion et zèle, dans le sein de Notre Sainte Mère l’Eglise Apostolique et Romaine, et de se garder comme de la peste de toute dérive en direction de ces courants hérétiques que l’on a vu fleurir depuis les origines. Et c’est donc à une visite édifiante et parénétique que j’invite pieusement mon lecteur.

 

 

Passons rapidement sur quelques épigones futiles, qui n’ont laissé que leur pauvre nom couler au fond des abîmes avec la pauvre barque que leur pauvre illusion a cru pouvoir mettre à flot au nez de leur créateur. JEAN DE PARIS fut dominicain, au 14ème siècle. Qu’est-ce qui lui a pris, soudain, en se levant, ce 22 juillet 1389, à 4 heures 32, d’affirmer que « J.-C. prend la substance du pain de telle manière que le Verbe de Dieu est uni au pain » ?

 

 

Tentative hérétique, évidemment vouée à l’échec, comme ne tarda pas à le lui faire savoir l’évêque de Paris. On sent, encore aujourd’hui, sur quel fond de vérité catholique fut fondée la décision de l’évêque de condamner cette théorie qui remettait en question le dogme de la transsubstantiation. Je note que l’abbé GUYOT écrit « transsubstantation », ce qui pourrait à bon droit passer pour une hérésie, quoique dans un ordre différent. Mais c'est peut-être juste une coquille.

 

 

Pour l’abbé GUYOT, en tout cas, une question essentielle est réglée : l’hérésie protestante n’existe plus, au moment où il écrit, que sous une forme larvaire, et son avenir est salement compromis. Le protestantisme n’en a certainement plus pour longtemps.

 

 

A propos de JEAN CALVIN, il conclut son article par ces mots définitifs : « Cette hérésie ne vit plus que dans le peuple, grâce aux discours des pasteurs, qui roulent uniquement sur la morale et jamais sur le dogme ». Le calvinisme n’en a visiblement plus pour longtemps. Par ailleurs, j'en déduis que le dogme est le sang qui coule, quon se le dise, dans les veines de l'Eglise Catholique.

 

 

Quant à l’hérésie de MARTIN LUTHER, les carottes sont quasiment cuites : « S’il n’est pas mort, depuis sa transformation en rationalisme pur, [le luthéranisme] n’existe plus que dans de faibles portions des masses, parmi quelques vieux croyants d’une orthodoxie ingénue et enfantine, qui lisent encore la Bible, récitent des prières, chantent des cantiques, écoutent dans un temple les prédications de leurs ministres, salariés pour annoncer à leurs dupes une doctrine qu’ils ont reniée dans leur cœur ». C’est donc clair : notre Sainte Mère l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine a triomphé de la principale hérésie à laquelle elle ait eu à faire face depuis les origines : le protestantisme.

 

 

Quelle perspicacité était celle de l’abbé GUYOT ! Il n’y a qu’à voir ce qu’il en reste dans le monde actuel, du protestantisme. Alors c’est vrai, le bon abbé analyse l’agonie de la doctrine luthérienne à travers le prisme de la floraison invraisemblable des SECTES auxquelles il a donné naissance. Il oublie simplement que toutes ces sectes se revendiquent PROTESTANTES. Voire LUTHERIENNES. Et que si LUTHER a gagné, c'est exactement à cause de ça.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.


 

vendredi, 13 juillet 2012

JE SUIS RESTE BRASSENS

Les Amis de Georges, c’est une chanson de MOUSTAKI GEORGES, mais en l’honneur de BRASSENS GEORGES. Mon histoire avec GEORGES BRASSENS est très ancienne, je crois l’avoir déjà dit. Avec MOUSTAKI, l’intérêt est forcément plus récent, mais c’est aussi situé  dans des couches plus superficielles. Certains explicateurs professionnels l’expliqueront certainement par des raisons professionnelles qui, par des raisons générationnelles que.

 

 

Je m’en fiche : c’est comme ça. C’est comme le copain qui tentait l’autre jour de me convaincre que tout le monde, des années 1950 à 1972 écrivait comme ALEXANDRE VIALATTE. Excuse-moi, R., mais quelle ânerie ! Ou qu’ALLAIN LEPREST fait partie d’une « génération » de chanteurs « à texte ».

 

 

Faire disparaître, au nom de je ne sais quelle « conscience historique » dépravée, l'original du spécifique et le singulier de l’individuel dans la soupe du collectif et l’indifférencié du « générationnel » me semble relever d’une Chambre Correctionnelle, voire d’une Cour d’Assises. Il faudra que je pense à lui dire, tiens.

 

 

Je suis resté BRASSENS. Qu'on n'attende pas de moi d'autre déclaration.

 

 

 

 

Chez mes grands-parents, ceux de « la campagne », pas ceux de « la ville », il y avait un « tourne-disque » (le mot est paléontologique), et dans le placard de la chambre à trois lits (pour les enfants), il y avait deux disques 25 cm, 33 tours : le premier de YVES MONTAND, avec, entre autres, « Les Grands boulevards », chanson que je sais encore presque par cœur, et « Battling Joe », le second de GEORGES BRASSENS, avec, entre autres, « Les Amoureux des bancs publics ». J’avais huit ans.

 

 

Cette chanson m’est spécialement restée à cause de mon oreille : vous ne savez sans doute pas ce qu’est un « toizard des rues ». Rassurez-vous : moi non plus. Mais j’ai mis longtemps avant de comprendre. J’entendais : « ces « toizards » des rues, sur un de ces fameux bancs ».

 

 

J’ai mis du temps à comprendre qu’il fallait entendre : « Que c’es-t au hasard-des rues, sur un de ces fameux bancs, qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour ». L’histoire du soldat Séféro est plus connue : « Entendez-vous, dans les campagnes, mugir Séféro, ce soldat ? ». On ne se méfie pas des cerveaux d’enfants disponibles aux pires malentendus. Au sens propre de « malentendu ».

 

 

Franchement, je suis moins sûr de l'histoire du soldat Séféro. Parce que les "toisards", c'est pris dans le ciment des fondations du bâtiment, comme le cadavre de celui qui commence sa longue nuit dans le pilier nord du tout nouvel hôtel qu'on a construit Via Vittorio Emanuele. C'est à Palerme. On est en Sicile. Alors que "Séféro", ça fait une trouvaille, disons, plus collective.

 

 

Mine de rien, le sens propre de « malentendu », ça peut faire de gros dégâts. La preuve, c’est que c’est ainsi que j’ai perdu la foi chrétienne. J’exagère à peine : du fond du chœur de l’église Saint-Polycarpe (j'étais encore dans mon uniforme de scout de la 44ème GUY DE LARIGAUDIE, réunions tous les jeudis dans le local paroissial donnant sur la cour, au 16 rue Pouteau, tout en haut de l'escalier), après avoir compté les tuyaux de façade de l’orgue magnifique (au nombre de 91), je tentais de saisir les mots de l’homélie que prononçait le Père BEAL (le même que celui des putains de Saint Nizier, d’ULLA et de ses collègues de travail, quelques années plus tard).

 

 

Je suis cependant resté BRASSENS. Qu'on n'attende pas de moi d'autre déclaration.

 

 

 

 

Mais la réverbération des sons jouait des tours à la clarté du saint message. Elle faisait parvenir à mon oreille – depuis longtemps encline à la musique –  une espèce de magma sonore qui me plaisait beaucoup et qui, rétrospectivement et par analogie, me fait penser à ces images conçues par ordinateur, donnant à percevoir une forme précise, mais seulement après juste accommodation. Mon oreille adorait rester dans le flou de la perception approximative, comme l'oeil normal devant l'assemblage énigmatique de l'image avant l'accommodation.

 

 

Comment expliquer ce que j’entendais ? Me parvenait une sorte de pâte onctueuse et profondément spatiale, où le sens exact des mots se perdait tant soit peu dans les ricochets des sons sur les voûtes, comme le goût du champignon dans la sauce forestière : tu ne le sens pas, mais tu sais que, s’il n’était pas là, il manquerait.

 

 

Je suis resté BRASSENS. Qu'on n'attende pas de moi d'autre déclaration.

 

 

 

 

Dans mes derniers temps de fréquentation des confessionnaux et des églises (j’allais sur mes dix-sept ans), l’unique raison de ma présence dans le lieu sacré était mon espoir de perdre le sens des mots du prêtre dans une sorte de jus auditif, dont l’espace architecturé de Saint-Polycarpe se chargeait de fournir à mon oreille la mixture musicale. J’étais mûr pour accueillir les Cinq Rechants d’OLIVIER MESSIAEN. J’étais mûr pour des expériences musicales d’avant-garde. Je n’y ai pas manqué.

 

 

A moi, les Quatre études chorégraphiques de MAURICE OHANA. A moi, les Huit inventions de KABELAC, par Les Percussions de Strasbourg. A moi, d’IVO MALEC, Sigma, Cantate pour elle, Dahovi, Miniatures pour Lewis Carroll. A moi, Epervier de ta faiblesse, de STIBILJ, sur un poème d’HENRI MICHAUX, Alternances, de SHINOARA, Signalement, de SCHAT. Les trois disques (Philips, collection "Prospective 21ème siècle") ont reçu le Grand Prix International du Disque de l'Académie Charles Cros). J'indiquerai les numéros à qui les demandera, promis.

 

 

Malgré tout ça, je suis resté BRASSENS. On n'obtiendra pas de moi d'autre déclaration.

 

 

JE ME SUIS FAIT TOUT PETIT

(même les sous-titres espagnols sont à croquer,

d'ailleurs, PACO IBANEZ chante BRASSENS à la perfection,

écoutez donc sa "Mala Reputacion")

 

Tout ça, n’est-ce pas, ça vous forme une oreille. Ou bien ça vous la déforme. C’est aussi une possibilité à envisager. C’est vrai que, quand tu es jeune, tu as surtout envie de « vivre avec ton temps ». Mais « vivre avec son temps », c’est un stéréotype qui devrait à ce titre être banni des esprits, et passible d’amendes extraordinaires devant un tribunal. Ben oui, quoi, c'est de l'ordre du « générationnel ».

 

 

C’est ainsi que j’ai été diverti, converti, reconverti : je suis passé directement de la foi catholique au free jazz. Et à tout ce qui se faisait de mieux (= de plus inaudible), en matière de musique contemporaine.

 

 

Mais ça ne m’a pas empêché de rester BRASSENS. Je n'ai rien d'autre à déclarer, monsieur le délicieux Commissaire du Peuple.

 

 

TRES BELLE VERSION DES COPAINS D'ABORD

DANS LA SALLE, ON APERCOIT FUGITIVEMENT

RAYMOND DEVOS, RENE FALLET...

 

 

Hélas, je n'étais pas dans la salle de Bobino, en ce jour de 1972. Je conseille aux vrais amateurs d'écouter AUSSI les trois dernières minutes, pour bien se mettre dans l'ambiance incroyable de la salle. TONTON GEORGES est là, avec un visage qui change d'expression à chaque seconde : il est fatigué, il a envie de s'en aller, mais il n'ose pas. Par politesse, peut-être ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

lundi, 04 juin 2012

MODESTE LEçON DE RHETORIQUE

La rhétorique, on ne le sait pas assez, tout le monde l’a à la bouche. On croit que c’est uniquement un truc réservé aux savants, mais de même que Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, de même les gens les plus ignorants de ce qu’on trouve dans les traités de rhétorique les plus érudits passent leur temps la métaphore à la bouche. Prenez « l’air du temps », « boire un canon », « discuter le bout de gras », etc. Rien que des métaphores.

 

 

Mais il est un domaine où un minimum de connaissance rhétorique explicite est requis : la littérature érotique. Si l’on met sur la « chose » le mot cru, le mot brut qui la désigne, on est plutôt dans le porno (comme on le dit à l’église : « priez porno »). Pour passer du pornographique à l’érotique – je parle évidemment de littérature –, il est indispensable de maîtriser au moins la métaphore.

 

 

J’ai parlé récemment, à propos d’Histoire d’O, du « ventre » et des « reins » : ce sont des métonymies, pour désigner les deux orifices de la femme, dans ce roman célèbre, mais qu’on peut aujourd’hui considérer comme excessivement compassé. La métaphore, étant plus facile à « manier », est infiniment plus fréquente.

 

 

« D’un doigt, il entrouvrit les lèvres ; elle poussa alors un petit gémissement. Elle était inondée et son sexe lui donnait l’impression d’être un abricot gorgé de soleil. »

 

ANNE-MARIE DE VILLEFRANCHE

 

 

L’abricot dont il est question ressortit tant soit peu de la comparaison. Mais voici une métaphore véritable :

 

 

« Un soir, ma sœur me dit : si nous étions dans le même lit, tu pourrais faire entrer ta petite broquette qui est toujours raide dans la bouche de ma petite marmotte. »

 

RESTIF DE LA BRETONNE

 

 

Là, c’est même deux pour le prix d’une : pour une bonne compréhension de la première, une « broquette » est un clou de tapissier. Les énumérations sont fastidieuses, n’est-ce pas ? Aussi m’en garderai-je comme de la peste. Tenez, voici un petit poème du grand VOLTAIRE.

 

 

« Je cherche un petit bois touffu que vous portez, Aminthe,

Qui couvre, s’il n’est pas tondu, un gentil labyrinthe.

Tous les mois, on voit quelques fleurs couronner le rivage.

Laisse-moi verser quelques pleurs dans ce gentil bocage. »

 

 

N’est-ce pas tendre et délicieux ? Aimablement dit ? Suavement tourné ?

 

 

A quoi pense CHARLES BAUDELAIRE quand il écrit :

 

 

« Guidé par ton odeur vers de charmants climats,

Je vois un port rempli de voiles et de mâts

Encor tout fatigués par la vague marine (...) ? »

 

 

Faut-il faire un dessin ? Une explication de texte ? Je m’en voudrais. C’est pourtant, dans Les Fleurs du Mal, un poème (« Parfum exotique ») figurant fort souvent à l’oral du bac. Je signale qu’une seule lettre distingue « exotique » et « érotique ».

 

 

Je ne suis pas sûr, si cela peut rassurer les parents, que le professeur aille, dans son cours, jusqu’à l’explicite. Eh bien, je dis que c’est tout à fait regrettable, car il n’est pas mauvais de dépuceler ainsi l’imaginaire pubère – qui ne demande pas autre chose –, et bien des contes des 17ème et 18ème siècles gagneraient à être lus pour ce qu’ils sont : des métaphores.

 

 

« Voyez fille qui dans un songe

Se fait un mari d’un amant ;

En dormant, la main qu’elle allonge

Cherche du doigt le sacrement ;

Mais faute de mieux, la pauvrette

Glisse le sien dans le joyau. »

 

 

Ce petit sizain est du sieur BÉRANGER, et rappelle une anecdote que je tire de RABELAIS, vous savez, celle qui raconte Grandgousier et Gargamelle, qui faisaient souvent la « bête à deux dos », bien que je ne sache pas si c’est maître FRANÇOIS qui a inventé la formule.

 

 

En tout cas, il raconte l’histoire de l’anneau de Hans Carvel, jeune marié qui, forcément, s’inquiète de se voir pousser du « cerf sur la tête », selon la formule de GEORGES BRASSENS, dans « Le cocu », car sa jeune épouse est jolie et ardente. Dans son rêve, une bonne fée lui passe au doigt un anneau magique qui fera de sa femme la plus chaste des femmes. Evidemment, quand il se réveille, il se rend compte qu’il a le doigt dans le « joyau ». Belle métaphore, n’est-il pas ?

 

 

Ne pas nommer, « suggérer au lieu de dire. Faire dans la route des phrases un carrefour de tous les mots » (ALFRED JARRY). Voilà le secret. Notre époque semble impropre aux secrets de cette sorte. Il lui faut la chose sous le nez, l’obscène, le réel. A ce titre, l’époque tend davantage au porno qu’à l’érotique. Notre époque est impropre aux subtilités du langage, au déplacement, à la métaphore. Elle ne sait pas de quels plaisirs de haute lisse elle se prive ainsi.

 

 

Signe des temps : vous ouvrez L’Equipe un lendemain de grand match : des métaphores comme s’il en pleuvait. Des métaphores très souvent guerrière du genre « exploser la défense », « tirs de barrage », etc. La déchéance, je vous dis. La métaphore qui survit grâce au sport-spectacle, c’est un comble.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

vendredi, 01 juin 2012

VOULEZ-VOUS (CONTRE)PETER AVEC MOI ?

« Voulez-vous que je vous envoie dans la culture ? ».  « Les nouilles cuisent au jus de cane » (x 2). « Le curé est devenu fou entre deux messes ». « Ma cousine joue au tennis en pension ». « Ce vieux marcheur veut courir sur le mont » (x 2, dont une dans un mot). « La magistrature assise ment debout ». « Le Suisse sortait sa pique au milieu des beatnicks ». « La pâtissière moule des quiches ». « Joseph a maculé Henri ». Bon, j’arrête là. Je sais que ceux qui ont compris ont compris. J'encourage les autres à lire ce qui suit.

 

 

Je chantais, il n’y a pas très longtemps, les beautés subtiles de la chanson que j’appelais « quasi-paillarde », où l’auteur se plaît à décevoir l’oreille de l’auditeur en substituant au terme « cru » (« le tout de mon cru », psalmodiait l’immortel LUC ETIENNE), au moment de la rime « sale » attendue, un terme innocent, que la rime suivante a pour mission de justifier.

 

 

Cela dit, non seulement le jeu de la « fausse rime » n’empêche nullement l’auditeur de comprendre, mais en plus, elle multiplie son plaisir par le taux d’intelligence qu’il se décerne (très objectivement, forcément) quand il estime qu’il a compris, sur le principe du « je ne prête qu’à moi, parce que je suis riche » (même si ce n’est pas vrai).

 

 

Je veux chanter aujourd’hui, dans le même esprit (c’est-à-dire avec les mêmes arrière-pensées, que je qualifierai pudiquement de « décolletées »), une des formes les plus anciennes de jeu sur les mots de notre belle langue. J’ai nommé la CONTREPÈTERIE. Certes, on peut prétendre que « cette menthe a le goût de fiel », mais il n’en est pas moins vrai que « Virginie prend les bols » (tout au moins chez BERNARDIN DE-SAINT-PIERRE, je dis ça pour aider).

 

 

L’inventeur de la contrepèterie est peut-être – ce n’est pas sûr –  FRANÇOIS RABELAIS, que j’ai célébré ici même récemment. C’est vrai qu’on trouve dans Pantagruel deux exemples célébrissimes. Le premier est au chapitre 16, qui détaille les « mœurs et conditions de Panurge » : « car il disait qu’il n’y avait qu’un [sic] antistrophe entre "femme folle à la messe" et "femme molle à la fesse" ». Je laisse à Panurge la responsabilité de ce propos.

 

 

Le seul commentaire qui s’imposerait (éventuellement) concernerait la fréquentation, par les individus de sexe féminin, des lieux consacrés que les catholiques investissent chaque dimanche, et où ils se rassemblent « au nom du Christ », pour se faire une idée de la consistance de leur « partie charnue », à une époque où la déchristianisation est un fait accompli, mais ce commentaire-là, je m’en abstiendrai pour cette fois, parce que ça rallongerait inutilement (cela dit, tous les rallongements ne sont pas inutiles).

 

 

Notre vieil oncle GEORGES BRASSENS, puisqu’il faut aujourd’hui parler d’ « orientation textuelle », était plus VILLON que RABELAIS, a assez longtemps creusé le sillon de la rime qu’offrent ces deux mots (« messe » et « fesse », … pardon, il y a aussi (et même plutôt) « confesse ») pour que je me dispense d’ajouter mon grain de sel. 

 

 

Le deuxième exemple se trouve un peu plus loin (chapitre 21) : « Madame, sachez que je suis tant amoureux de vous que je n’en peux ni pisser, ni fienter. Je ne sais comment vous l’entendez ; s’il m’en advenait quelque mal, qu’en serait-il ? – Allez, dit-elle, allez, je ne m’en soucie pas ! Laissez-moi ici prier Dieu. – Mais, dit-il, équivoquez sur "A Beaumont-le-Vicomte". – Je ne saurais, dit-elle. – C’est "A beau con le vit monte" ». Avouez : comment pourrait-on se lasser de Panurge ? Contrepèterie, « antistrophe », « équivoquer », tout ça, c’est du pareil au même. Vous pouvez aussi dire « métathèse » si voulez faire votre cuistre.

 

 

Contrepéter, c’est donc permuter (« j’ai glissé dans la piscine », c’est autorisé aux enfants en bas âge). On peut permuter des tas de choses : des consonnes, des voyelles, des syllabes. Le plus souvent, on permute les éléments par paire, mais on peut compliquer à plaisir. Deux grandes règles à respecter.

 

 

La première est de toujours se fier au son, à l’oreille, à la phonétique, jamais à l’orthographe ou à la séparation des mots écrits (quoique …). Comme le cite JOËL MARTIN, en couverture d’un de ses livres, le contrepet, c’est « l’art de décaler les sons » (deuxième exercice très facile).

 

 

La deuxième règle est, aussi cruel que ça puisse paraître, de ne jamais dévoiler la solution. C’est la règle du : tant pis pour ceux qui ne comprennent pas (ceux qui ont décrypté l’exemple ci-dessus l’admettront aisément, et décrypteront celle-ci de même : « on reconnaît les concierges à leur avidité »).

 

 

Elle s’apparente à celle de la fausse rime (déjà vue dans les « chansons quasi-paillardes ») : si l’on se donne la peine d’escamoter le mot qui heurte la morale, la religion, les bonnes mœurs, et qui taquine les bonnes sœurs en cornette et des bons pères en soutane jusque dans leurs parties intimes (la cornette et la soutane se sont diablement raréfiées), pour le remplacer par un « mot sage », qui cache le « message », ce n’est quand même pas pour des prunes.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.

mardi, 29 mai 2012

PROUST ET LA CONFITURE

Pour mon titre, je ne me suis pas cassé la tête. Je sais qu'il vaut ce qu'il vaut. C'était bêtement et vaguement en rapport avec « moins on en a, plus on l'étale ».

 

Qu’est-ce qui me reste de ma récente relecture d’A la Recherche du temps perdu, de MARCEL PROUST ? Je vais tâcher d’être sincère. De ne pas tergiverser. De ne pas tourner autour du pot. Ce n’est pas aussi facile qu’on pense, s’agissant d’un monument littéraire aux dimensions écrasantes, et pas seulement en nombre de pages. A peu près 3500, notes comprises, dans l’édition « Clarac » de la Bibliothèque de la Pléiade (3134 une fois enlevé le « gras » des notes). 

 

C’est l’édition de 1954, qui est en trois volumes. La plus récente (l'édition « Tadié »), tenez-vous bien, qui est en quatre volumes, tient sur 7400pages (plus du double), coûte 241 € (selon le catalogue), parce qu'elle est surchargée de notes et variantes savantissimes. Mais de nos jours qui lit les notes, imprimées en Garamond corps 5 ou 6, qu’il faut une loupe pour les déchiffrer ? J'aimerais bien savoir le nombre de pages qu'il faudrait ajouter, si les notes et variantes étaient imprimées à égalité. 

 

Et même, faut-il lire les notes des modernes sorbonagres (merci RABELAIS) ? Qu’est-ce que ça veut dire, lorsque le nombre de « signes » (au sens informatique) accordé aux « notes et variantes » surpasse, et de très loin, celui consenti au texte de l’œuvre proprement dite ? 

 

Il y a dans cette surenchère de glose, cette inflation de recherche, cette turgescence phallique de commentaires universitaires et, pour tout dire, ce débordement libidinal dégoulinant d’un vain sperme exégétique globalement stérile, quelque chose d’infiniment ridicule, futile et désespéré. 

 

Ce n’est plus « les Français parlent aux Français » (vous savez, pom-pom-pom-pom, radio-Londres, PIERRE DAC, les « messages personnels »), c’est « les savants parlent aux savants ». Or, comme tout le monde fait semblant de ne pas le savoir, de même qu’en 1940, le nombre de « Résistants » s’élevait à environ 0,01 % de la population, de même les éditions Gallimard font-elles payer les maigres subsides qu’elles versent aux savants savantissimes dont elles utilisent les services pour la Pléiade, par les acheteurs de leurs volumes ainsi bodybuildés au clenbutérol chlorhydrate ou à la nandrolone phénylpropionate.

 

A propos du monument de PROUST, je disais donc qu’il n’y a pas que le nombre de pages : il y a aussi la dimension de l’ensemble, la stature morale dinosaurienne de l’objet, qui le fait unanimement appartenir aux chefs d’œuvre du patrimoine littéraire mondial, stature qui se mesure aux kilomètres de rayons qu’occupent les épais ouvrages que des gens extrêmement savants ont consacrés à l’ouvrage. Tout ça est bien fait pour impressionner. 

 

Remettre l’ouvrage sur l’ouvrage sur le métier semble d’ailleurs être une constante de la mission universitaire. La société en mouvement commande la production de travaux, de mémoires, de thèses, de publications multiples, qui n’ont pour but que d’effacer de la mémoire universelle les travaux, mémoires, etc... précédents. 

 

Et tout ça s’empile dans les réserves des bibliothèques justement nommées « universitaires », sans jamais en sortir, jusqu’au jour où un incendie, comme cela s’est produit à Lyon dans la nuit du 11 au 12 juin 1999, fasse partir en poussière et fumée entre 300.000 et 400.000 volumes. Qui l’a déploré ? Qui s’en souvient ? 

 

Le problème, avec l’irruption de l’informatique dans le domaine du savoir, c’est que plus personne n’a le droit d’oublier le plus petit détail. C’était déjà plus ou moins le cas, mais s’il m’est arrivé d’être en « correspondance » avec des gens comme PAUL GAYOT (Collège de ’Pataphysique) ou RENÉ RANCŒUR (pape de la « Bibliographie de la France » dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France, alias RHLF), il n’y a jamais eu, d’eux à moi, cette manifestation d’autorité imposée, semble-t-il, par l’irréfutabilité de la référence informatique, mais la belle courtoisie humaniste et manuscrite, que la dite référence élimine sans violence, mais impitoyablement. Appelons ça un totalitarisme « soft ». 

 

L’informatique a donc débarqué, elle règne incontestablement, moyennant quoi, le « plus petit détail » est noyé sous des cataractes niagaresques de « données », entre lesquelles il est quasiment impensable d’espérer accéder à quelque chose qu’on pourrait appeler, par exemple, la « vérité ». 

 

PROUST, maintenant. Ben oui, quoi, ça intimide, PROUST, on n’ose pas dire quoi que ce soit de négatif, par peur de passer pour un moins que rien, un minus qui ne comprend pas la beauté et la grandeur de l’entreprise. Le risque a de quoi faire réfléchir, non ? Si vous voulez mon avis, on a tort. Il y a une différence notable entre ce qu’il « faut savoir » (Lagarde et Michard pour le lycéen, mais aussi, dans le fond, tous les bouquins qui paraissent dans la série bêtement intitulée POUR LES NULS) et ce qu’on aime en réalité. Moi, j’essaierai de m'en tenir au deuxième principe (si c’en est un). 

 

Par exemple – il me semble l’avoir déjà dit – j’ai en très grand respect les œuvres de BALZAC ou DIDEROT, mais je ne suis jamais arrivé à renoncer à mon goût pour le San Antonio de FREDERIC DARD ou le Maigret de GEORGES SIMENON. Même chose en musique : ma mémoire laisse voisiner sans bisbille aucune l’Etude opus 25 n° 11 de CHOPIN ou le quatuor opus 132 de BEETHOVEN, avec Belle belle belle, de CLAUDE FRANÇOIS ou Les Funérailles d’antan de GEORGES BRASSENS. Disons que j’ai la mémoire culturelle plus pommelée, plus bigarrée, plus mosaïquée, plus losangée qu’un costume d’Arlequin, et n’en parlons plus. 

 

Il ne faut pas faire comme VICTOR HUGO, qui dit, parlant de SHAKESPEARE : « Quand je visite un génie, j’entre chapeau bas ». Non, non, Victor, il ne faut pas oublier d’exister, quand on est face à un monument majeur du génie humain, et il ne faut pas taire, en même temps qu’on avoue quelles en sont les parties qui nous touchent, celles qui nous laissent indifférent, quitte à passer pour un béotien parmi les idolâtres. 

 

« Un béotien parmi les idolâtres » : les amateurs de formules ne pourront pas me reprocher de leur avoir fait perdre leur temps. 

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

A suivre. Promis, demain, le train arrive en gare de PROUST, quelques minutes d’arrêt, vérifiez la fermeture des portières, attention au départ, tûuut.

mercredi, 23 mai 2012

CATECHISME LIBERTIN (suite et fin)

J’aurais dû commencer par le commencement : qu’est-ce qu’une putain ? Le Catéchisme libertin à l’usage des filles de joie et … (j’arrête là le titre, ça n'en finit pas) répond : « C’est une fille qui, ayant secoué toute pudeur, ne rougit plus de se livrer avec les hommes aux plaisirs sensuels et charnels ». Personnellement, le choix du verbe « secouer » me touche. Et quelles sont ses trois qualités essentielles ? Réponse : « L’effronterie, la complaisance, la métamorphose ».  

 

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DU TEMPS QU'IL Y AVAIT DES "MAISONS"

(par FELICIEN ROPS)

 

L’effronterie consiste pour la putain à ne considérer aucune partie de son corps comme tabou, « c’est-à-dire que ses tétons, sa motte, son cul doivent lui être aussi indifférents auprès de l’inconnu qu’elle amuse, que l’est à l’égard d’une femme honnête la paume de la main qu’elle ne rougit pas de montrer ». Que pensez-vous de « qu'elle amuse » ?

 

 

La complaisance est une qualité très subtile : c’est l’art d’agir avec le client de telle façon qu’il aura envie d’y revenir. « Par ce moyen, elle le retient comme dans des filets. » Autrement dit, avec une vraie bonne putain « recordée et aguerrie », c’est « satisfait ou remboursé ».

 

 

Quant à la métamorphose, là encore, je vais me référer à Tonton GEORGES : « On ne tortille pas son popotin de la même manière pour un droguiste, un sacristain, un fonctionnaire » (Le Mauvais sujet repenti). Le Catéchisme est également très clair : « Elle doit être comme un Protée, savoir prendre toutes les formes, varier les attitudes du plaisir, suivant le temps, les circonstances et la nature des tempéraments ».

 

 

Il précise même : « Tandis qu’un tortillement de fesses voluptueusement fait, plongerait l’homme à tempérament dans un torrent de délices, qui causerait la mort au Narcisse fouteur et au paillard décrépit ». C’est de la haute psychologie, ou je ne m’y connais pas. Adapter l'offre à la demande, c'est ce qu'on dit en général, n'est-ce pas, au sujet des rapports amoureux ?

 

 

Avec la question suivante, on sera en droit d'émettre des doutes sur la rumeur qui veut que l’auteur du livre soit une femme. En effet, à la demande : « Toutes les femmes ont-elles un penchant décidé à devenir putain ? », il est répondu : « Toutes le sont ou désirent l’être, il n’y a que les convenances et la bienséance qui retiennent la plupart ; et toute fille qui succombe, même pour la première fois, est déjà, dès le premier pas, putain décidée ; la chemise une fois levée, la voilà familiarisée avec son cul, autant que celle qui a joué du sien pendant dix ans ».

 

 

Cette phrase me fait penser à une nouvelle de MAUPASSANT, qui raconte la mésaventure survenue à une jeune et ravissante bourgeoise, qui habite en face du "lieu de travail" d'une prostituée professionnelle, dont elle observe le manège par lequel elle racole les mâles qui passent dans la rue. Elle l'imite, juste pour jouer, et ça marche : le premier homme auquel elle fait un signe monte illico, et elle a beau supplier sur l'air de : « Je ne suis pas celle que vous croyez », elle doit finir par y passer, honteuse, mais secrètement ravie.

 

 

Rendez-vous compte, mesdames ! Allez dire et écrire de telles horreurs à la face de nos féministes actuelles, qui en sont déjà à hurler à l’infâme imparité dans la future Assemblée Nationale (elles dénoncent même la fausse « parité » du gouvernement AYRAULT, où tous les ministères « régaliens », sauf la Justice, gouverné par CHRISTIANE TAUBIRA, sont détenus par des hommes, comme quoi, quand on commence à revendiquer, quand on proclame être victime d'une injustice, il n'y a aucune raison de s'arrêter avant d'avoir TOUT raflé) !

 

 

A propos d’AYRAULT, tiens, il faut absolument que ça se sache : les journaux arabes sont très embêtés, parce qu’il paraît que ce nom, prononcé comme chez nous (éro), veut dire exactement « le membre viril » en langue arabe (enfin, à ce qu'on m'a dit) : le ministère des Affaires Etrangères, de LAURENT FABIUS, a trouvé la parade : il suffira de faire comme si toutes les lettres se prononçaient (érolt), et le tour est joué. Voilà de la fermeté et de l'habileté dans la politique extérieure de la France. Voilà qui conforte le Ministère du pharamineux "redressement productif".

 

 

Les Arabes sont des gens vraiment très pudiques, non ? Remarquez qu’en français, il suffirait d’adjoindre au même nom d'AYRAULT le suffixe « tique », pour que la gravité apparente du monsieur en prenne un méchant coup. Mais dans quel esprit dégénéré et mal tourné pourrait germer une telle idée, je vous le demande ? Je reviens à mes putains parisiennes, finalement, c’est plus intéressant. Avouez qu’on peut appeler cette digression une « arabesque », au sens propre, pour le coup. Merci, CHATEAUBRIAND.

 

 

Une putain doit-elle procurer autant de plaisir à un fouteur de vingt-quatre sous, qu’à celui qui la paie généreusement ? Quels sont les attributs et les ustensiles qui doivent orner la chambre d’une putain ? Pour cette dernière question, la réponse est sans ambiguïté : « Dans les tiroirs de sa commode, il doit y avoir des martinets, des disciplines à cordes à petits nœuds, et d’autres armées d’épingles ; les peintures licencieuses, les estampes les plus voluptueuses et les plus lubriques doivent entourer son lit ».  

 

 

Une putain doit-elle se livrer à tous les caprices des hommes ? Réponse : « Quoique tous les genres de fouterie doivent être familiers à une putain, il en est néanmoins qui répugnent à la délicatesse de certaines filles, l’enculomanie est de ce genre. Une putain peut donc refuser de se prêter au zèle perforique d’un bardache [= giton], à moins qu’elle-même n’ait le cul porté au plaisir sodomique ». Décidément, on a le sens de la formule : le zèle perforique est du meilleur effet.

 

 

Une putain qui a la chaude-pisse ou la vérole doit-elle et peut-elle sans remords baiser avec un homme sain ? La fille qui a ses ordinaires peut-elle aussi se laisser baiser ? Qu’entendez-vous par capote anglaise ? Quel langage doit tenir une putain en fouettant ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles veut répondre ce livre. Allez, en voici une dernière, pour la route :

 

« DEMANDE : Jusqu’à quel âge une putain peut-elle exercer cet emploi avec honneur et profit ?

REPONSE. Cela peut dépendre de plus ou moins de tempérament ; les blondes doivent quitter le commerce avant les brunes, leur chair étant plus sujette à l’affaissement (…) ». 

 

 

Déjà les blondes ! Qu’ont-elles donc fait au ciel pour mériter une pareille et éternelle malédiction ? Quoique …

 

 

 

GOBE MOUCHE SANS COLLIER.jpg

ELLE S'APPELLE PARIS : ELLE A DONC BIEN SA PLACE CHEZ LES "BLONDES"

(on ne demandera pas si elle en redemande, du "zèle perforique")

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.       

 

mardi, 22 mai 2012

CATECHISME LIBERTIN

Tiens, ces quelques épisodes consacrés à FRANÇOIS RABELAIS m’ont donné envie de retourner à quelques petites choses agréables que j’ai laissées de côté depuis trop longtemps. Je vais vous parler, aujourd'hui et demain, d'une femme particulière. On me dira que toutes les femmes sont particulières.

 

 

Je répondrai qu'à ce compte-là, tous les hommes aussi seraient eux-mêmes particuliers, c'est-à-dire des individus, ce qui est loin d'être encore prouvé, puisque, à l'époque de la statistique triomphante et du sondage tout puissant, on ne raisonne même plus par nombre, mais par quantité, par pourcentage et par masse.

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On ne connaît pas assez ANNE-JOSEPHE TERWAGNE, plus connue sous le nom de THEROIGNE DE MERICOURT, cette pasionaria de la Révolution qui a peut-être servi de modèle à la femme du premier plan dans le tableau de DELACROIX, La Liberté guidant le peuple. J’ai bien dit « peut-être », parce que le tableau date de 1830, soit treize ans après sa mort. Drôle de vie que la sienne, franchement.

 

 

Agitée, instable, comme on voudra. De sa Belgique natale jusqu’à Naples, puis à Paris, où elle participe à la prise de la Bastille, elle n’a pas froid aux yeux. Elle porte sabre et pistolet pour aller déloger de Versailles « le boulanger, la boulangère et le petit mitron ». Elle retourne à Liège, se fait emprisonner par les Autrichiens, revient à Paris.

 

 

Elle est finalement prise à partie par des femmes qui, non contentes de l’accuser politiquement, la dénudent et la fessent en public. C’est ce qui lui permettra sans doute d’éviter la guillotine : parce qu’avant même d’être jugée (la Terreur bat son plein), elle fut mise dans un asile de fou, où elle passa ses vingt-trois dernières années, nue dans sa cellule à s’asperger d’eau froide. Je schématise. Paix à son âme.

 

 

Je voulais en venir à ceci : THEROIGNE DE MERICOURT n’est probablement pas l’auteur de ce Catéchisme libertin qu’on lui prête, mais vous savez qu’on ne prête qu’aux riches, enfin c’est ce qu’on dit. Ce petit ouvrage instructif, sympathique et distrayant est publié en 1791 ou 1792 suivant les sources. Il expose sans trop de pudeur mais avec esprit, en quelque sorte, le « cahier des charges » des putains parisiennes.

 

 

Voici le texte de la « prière » dédicatoire placée au début :

 

 

« Oraison à Sainte Magdeleine, à lire avant le catéchisme. Grande Sainte, Patronne des Putains, fortifiez mon esprit, et donnez-moi la force de l’entendement, pour bien comprendre et retenir tout le raffinement des préceptes contenus dans ce Catéchisme : faites qu’à votre exemple, je devienne, dans peu, par la pratique, une Garce aussi célèbre dans Paris que vous l’étiez dans toute la Judée, et je vous promets, comme à ma divine Patronne et Protectrice, de donner mes premiers coups de cul en votre honneur et gloire. Ainsi soit-il. »

 

Voici un mot de « l’abbé Couillardin » dans sa préface dédiée à Madame l’Abbesse de Montmartre :

 

« Agréez, Madame, comme une offrande légitimement due, le sacrifice que je vous fais de deux pollutions [faut-il expliquer ?] complètes, et que je jure de réitérer chaque jour en votre honneur et intention ; c’est un tribut qu’on ne peut refuser au souvenir de vos charmes, dont j’ai tant de fois éprouvé l’empire, surtout dans ces moments d’ivresse et d’abandon général où vous vous plaisiez à les exhiber dans l’état de pure nature. Quelle motte ! Quel con ! Quel fessier plus attrayant que le vôtre ! Vous voir, vous trousser, vous foutre et décharger n’était que l’instant de l’éclair au coup de tonnerre. »

 

Autant dire que l’abbé Couillardin, si on l’en croit, était un éjaculateur précoce. L’auteur procède par « Demandes » et « Réponses ». En voici un exemple, qui en dira long à la fois sur la subtilité du propos et sur l’attitude théâtrale que certains prêtent aux femmes – à tort ou à raison, je m’empresse de le préciser :

 

« DEMANDE. La putain qui procure de la jouissance à l’homme, peut-elle s’y livrer avec tous, sans s’exposer à altérer son propre tempérament ?

REPONSE. Il est un milieu à tout : il serait très imprudent à une putain de se livrer avec excès au plaisir de la fouterie : une chair flasque et molle serait bientôt le fruit de ce désordre ; mais il est un raffinement de volupté qui tient à la volupté même, et dont une adroite putain doit faire usage. Une parole, un geste, un attouchement fait à propos, offre à l’homme l’illusion du plaisir ; il prend alors l’ombre de la volupté pour la volupté même ; et comme le cœur est un abîme impénétrable, la putain consommée dans son art remplit souvent, par une jouissance factice, les vues luxurieuses de l’homme, qui se contente de l’apparence. Les femmes étant plus susceptibles et plus propres que tout autre à ce genre d’escrime, il dépend d’elles de donner le change à l’homme. » Qu'on se le dise : jouir tout le temps est nuisible à la densité et à la tenue des chairs. Et pan dans les gencives des anarchistes de 1968, avec leur "jouir sans entraves".

 

Loin de moi l’idée de généraliser le propos à toutes les femmes, qui ne sont pas toutes, aux dernières nouvelles, de la profession, mais les mânes de GEORGES BRASSENS ne m’en voudront pas de citer Quatre-vingt-quinze pour cent : « Les « encore », les « c’est bon », les « continue » Qu’elle crie pour simuler qu’elle monte aux nues, c’est pure charité (…) C’est à seule fin que son partenaire se croie un amant extraordinaire. ».

 

 

Cette dernière phrase est, je crois bien, le seul reproche grammatical qu’on puisse adresser à Tonton GEORGES : qu’est-ce donc qui lui a pris de faire la liaison (en "t") entre « croie » (subjonctif présent) et « un amant » ? Craignait-il de froisser l’oreille de l’auditeur ignorant ? Bon, on me dira que le péché est véniel au regard de tout le reste, et j’en conviens évidemment. Va, mon enfant, ego te absolvo.

 

 

On me dira aussi que je m’éloigne de mon sujet, que je digresse. A cela je répondrai – excusez du peu – par cette petite citation tirée des Mémoires d’outre-tombe (XXXIX, 10, soyons précis) du grand CHATEAUBRIAND : « Lecteurs, supportez ces arabesques ; la main qui les dessina ne vous fera jamais d’autre mal ». Autrement dit, digresser n'est pas agresser. J'adopte le mot "arabesque", plus élégant et euphonique que "digression".

 

 

Mais rassurez-vous, dès demain je reviens à mes putains parisiennes et à ce Catéchisme libertin, supposé être leur bible, l’alpha et l’oméga de ce qu’elles doivent savoir, le compendium de leurs compétences et le promptuaire de leurs aptitudes au métier. Qu'on se le dise : ça ne rigole pas.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

vendredi, 18 mai 2012

ELOGE DE MAÎTRE RABELAIS

Comme promis (« Compromis, chose due », disait COLUCHE en parlant des femmes), aujourd’hui, j’attaque Maître FRANÇOIS, alias ALCOFRIBAS NASIER. Bien sûr, que c’est RABELAIS. Que puis-je dire, au sujet de RABELAIS ? Si je disais que j’ai l’impression que j’ai du rabelais qui me coule dans les veines, je ne serais pas très loin de la vérité, mais ce ne serait sans doute pas très bon pour ma réputation (quoique …).

 

Pourquoi ? Mais à cause de la réputation de grand buveur devant l’éternel, qu’il traîne depuis toujours, pas complètement à tort, probablement. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas sa lecture qui vous empêchera de passer à l’éthylomètre avant de prendre le volant. Tout ça pour dire que parmi les auteurs français que ma prédilection m’a amené à cultiver de préférence aux autres, je l'avoue aujourd'hui, c’est RABELAIS qui vient en tête.

 

En confidence et par parenthèse, je peux vous dire aussi que celui qui vient en queue s’appelle PIERRE CORNEILLE, mais ça, c’est dû à la longue malédiction qui a poursuivi ce malheureux génie depuis un épouvantable Cinna étudié en classe de 5ème, sous la férule de Monsieur LAMBOLLET, au lycée Ampère. J’imagine que c’était au programme. Je vous jure, Cinna à douze ans, il y a de quoi être dégoûté des mathématiques. Euh, j’ai dit une bêtise ?

 

« Prends un siège, Cinna, et assieds-toi par terre, Et si tu veux parler, commence par te taire ». Non, je déconne, ce n’est pas Auguste qui dit ça à Cinna, c’est nos esprits mal tournés d’élèves mal élevés qui brodaient. Forcément, c’est ça qui m’est resté. Mais ça doit être du genre de la « pince à linge » des Quatre Barbus et de la 5ème symphonie de BEETHOVEN.

 

Si, j’ai quand même retenu « Je suis maître de moi comme de l’univers », parce que je vous parle d’un temps où l’on apprenait par cœur. Je crois bien que c’est dans la bouche d’Auguste. Mais CORNEILLE m’a collé à la semelle gauche (il paraît que ça porte bonheur !), parce que plus tard, j’ai dû me farcir Sertorius, et puis Suréna, et ce traumatisme, franchement, je ne le souhaite à personne. Et je n’ai rien dit d’Agésilas et d’Attila : « Après l’Agésilas, hélas, mais après l’Attila, holà ! ». Même que ce n’est pas moi qui le dis, c’est BOILEAU, alors.

 

Résultat des courses, il m’est resté un automatisme : de même que Gaston Lagaffe éternue dès qu’on prononce le mot « effort », de même, dès que j’entends le nom de CORNEILLE, je bâille. Bon je sais, la blague est un peu facile, mais avouez qu’il fallait la faire, celle-là, et c’est d’autant plus vrai que ce n’est pas faux. Et puis si, par-dessus le marché, ça désopile la rate, on a rien que du bon.

 

Mais foin des aversions recuites – et injustes comme sont toutes les vendettas, et je ne vais pas passer ma vie à assassiner CORNEILLE qui, après tout, ne m’a jamais empêché de vivre, malgré des dommages monumentaux à mon égard, pour lesquels je n’ai jamais reçu d’intérêts –, revenons à RABELAIS. 

 

Le portrait ci-dessus est donné pour celui de RABELAIS en 1537. Il tranche avec tout ce qu'on connaît, et l'on est pris de doute. Pourtant, je me rappelle la collection de portraits accrochés dans un des bâtiments de La Devinière, la maison natale : beaucoup ressemblaient à l'officiel, de plus ou moins loin, il est vrai. Mais quelques-uns étaient de la plus haute fantaisie, faisant parfois de l'auteur une sorte de nègre.

 

Je ne vais pas refaire mon chapitre sur Lagarde et Michard, avec leur damnée tendance à tout tirer vers le sérieux, le pontifiant et l'asexué, bref, le SCOLAIRE (« ce qu’il faut savoir »), mais il est sûr que si on veut jouir de RABELAIS, c’est dans le texte qu’il faut aller. Et pour y aller, j’espère qu’on m’excusera, il faut avoir envie de jouir. C’est un aveu. Tant pis. J’espère qu’à mon âge, il ne me coûtera pas trop cher.

 

RABELAIS ? C’est ma respiration. C’est mon espace vital. C’est comme un socle. Je n’y peux rien, ça s’est fait malgré moi, comme ça, sans que j’y prête la main, c’est certain. RABELAIS m’a appris une chose : la JOIE est le centre nerveux, le cœur et le muscle de l’existence. Tout le reste est résolument secondaire, accessoire, décoratif, facultatif, marginal, subsidiaire, superfétatoire et, disons le mot, superflu. Ce que je trouve chez RABELAIS me ramène toujours à la JOIE.

 

Il serait d’ailleurs peut-être plus exact de dire que j’ai satisfait dans RABELAIS ce besoin d’éprouver la JOIE. C’est ce même genre de besoin vital qui m’a rendu récemment jubilatoire, proprement et absolument, la lecture de Moby Dick. Mais c’est vrai, je ne sais pas encore tout, et je ne suis pas sûr d’en savoir plus « quand fatale [sonnera] l’heure De prendre un linceul pour costume » (Le Grand Pan, GEORGES BRASSENS). 

 

C’est sûr, MONTAIGNE me touche, mais c’est un homme qui s’écoute. Beaucoup de passages plaisants, c’est sûr (je me suis efforcé d’en indiquer à plusieurs reprises ici même), mais il y a à mon goût trop de gravité chez MICHEL EYQUEM, petit châtelain de Montaigne. En comparaison, RABELAIS, je vous jure, existe concrètement, jovial et fraternel. Dès qu’il vous aperçoit, il vous invite à sa table. C’est une tout autre vision de l’humanité.

 

Une humanité qui converse gaiement autour d’une table couverte de plats ventrus et de flacons vermeils. Une humanité qui parle de la vraie vie, poétique et réelle, qui est forcément celle de tout homme. Poétique, parce que tout homme rêve et que tout rêve est poétique. Réelle, parce que lire les livres de RABELAIS est une excellente recette pour apprendre à renoncer sans regret à devenir maître du monde. Il y a tout ça, dans l’œuvre de FRANÇOIS RABELAIS.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Et ce n'est pas fini.

mercredi, 02 mai 2012

DES NOUVELLES DE L'EUROPE

Oui, je sais, je ne parle toujours pas de la présidentielle. Mais ça vous amuse encore, ce cirque ? Moi, ça a plutôt tendance à me sortir par les trous de nez, ce match disputé par CAPITAINE MENSONGE et COLONEL BLUFF.

 

 

Blague à part, le n'importe quoi européen continue, s'aggrave.

 

 

Bon, on le savait déjà, que l’Europe est un « machin » ingérable, que sa construction cacophonique et sans queue ni tête aboutit à un édifice qui ressemble à ce dont est capable Numérobis, l’architecte ami de Panoramix, dans Astérix et Cléopâtre. La baraque est vermoulue, biscornue et bancroche et, comme dans l’aventure d’Astérix, elle part en morceaux qui tombent sur la tête des habitants.

 

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AH OUI, ELLE EST BELLE, L'EUROPE DE NUMEROBIS !

 

Le moellon espagnol va sans doute suivre le moellon grec dans sa chute, et il y a de fortes chances pour que le crâne des Européens sorte de cette histoire aussi cabossé que celui d’Amonbofis, l’architecte rival de Numérobis, ou comme la carrosserie de ma voiture, après une mémorable averse de grêle du côté de Saint-Claude, dans le Jura. Cette Europe qui s’est faite sans les peuples écrase maintenant les peuples comme une averse de grosse grêle ou comme les moellons des maisons construites par Numérobis.

 

 

Est-il encore seulement possible pour la France de dénoncer les traités que tous ses gouvernements ont imperturbablement signés, depuis cinquante ans, sur la base sacro-sainte, intouchable, irréformable de la haïssable et démente CONCURRENCE LIBRE ET NON FAUSSEE, qui a déjà détruit l’essentiel de ce qui s’appelait, en France, les Services Publics, et qui n’a pas fini de semer son souk dans les lambeaux qui restent encore de ce qui fut l’Etat français ? 

 

 

Vous êtes au courant de la dernière trouvaille de la Kommission de Bruxelles ? C’est un véritable éclair de génie : puisque les politiques publiques impulsées par l’Europe ont été incapables de lutter contre la surcapacité des flottes de pêche européennes et la raréfaction de la ressource, elle (madame MARIA DAMANAKI, commissaire européen de la pêche) propose de transférer aux professionnels les quotas gérés jusqu’à maintenant par les Etats.

 

 

 

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MADAME DAMANAKI

ELLE AVAIT POURTANT L'AIR GENTIL

 

Ce genre de proposition, qui va dans le sens de tout ce qui a déjà amoché en profondeur le visage de la France qui était la nôtre, de la France qu’on aimait, ce genre de proposition porte un nom et un seul : la PRIVATISATION (voir ma note du 13 avril). Mais on ne va pas dire ça : il faut parler de « concessions transférables ». Elle est pas jolie, ma formule européenne ? La Kommission européenne persiste et signe, dans son orientation économique de fanatisme ultralibéral intégriste. Il n'en serait pas autrement si le PERE UBU avait été le père fondateur de l'Union Européenne.

 

 

 

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A LA TRAPPE, LES MAGISTRATS !

UBU ROI, ACTE III, SCENE II

 

Tous les acteurs (écolos, Etats membres, pêcheurs eux-mêmes) sont opposés à ce projet de privatisation des quotas de pêche. Tous sauf un : l’Espagne, grand pays pêcheur devant l’éternel, qui n’a pas envie d’ajouter à ses malheurs la disparition de sa flotte et des emplois qui vont avec.

 

 

Pendant que le bateau coule, le naufrage continue. Sursum corda, mes frères, comme on disait quand la messe était en latin (« sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde », chante Tonton GEORGES).

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

dimanche, 22 avril 2012

PRESIDENTIELLE, C'EST JOUR DE FÊTE

« Le jour de la présidentielle,

Je reste dans mon violoncelle.

Une élection qui marche au pas,

Cela ne me regarde pas. »

 

D’après TONTON GEORGES

 

 

 

Quand je vois passer une ELECTION PRESIDENTIELLE, qu’est-ce que je fais ? Je l’ignore superbement.

 

JE M’ABSTIENS

 

Vous ne voudriez quand même pas que je vote pour ça ?

 

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 Ou même pour ça ? 

 

 

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Alors vous, vous voteriez pour ça ?

 

 

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Non, ne me dites pas que vous voteriez pour PASQUAL PINON, pas vous, pas ça, quand même ?

 

 

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Je n'ose pas imaginer que quelqu'un pourrait apporter son suffrage à cette bête-là ?

 

 

 

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Entre deux étrons, il faut choisir le moindre, comme disait presque l’ennuyeux PAUL VALERY.

 

 

 

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Et quelque virulentes que soient les vociférations des 

 

 

 

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ou des  

 

 

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sachez-le, je m'abstiens ! Hyène je suis, hyène je reste, et je ricane. 

 

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Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Mais quand je vois passer le procès de

 

Monsieur ANDERS BEHRING BREIVIK,

 

qu’est-ce que je fais ?

 

 

 

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J’applaudis la Norvège, qui a le courage de donner à un fasciste, peut-être même un nazi, et au surplus un grand criminel, le droit de s’exprimer publiquement. Ce n’est pas en France qu’on verrait ça.

 

Je dis : « Bravo la Norvège. Ça au moins, c’est de la liberté d’expression ».

 

 

Pour moi, c'est ça, la démocratie. C'est même de la démocratie de grande classe. En France, pays des « droits de l'homme », qu'ils disent, heureusement, on a adopté le couvercle hermétique du POLITIQUEMENT CORRECT. Et les bonnes âmes s'étonnent des presque 20 % de Madame LE PEN. On n'est pas au bout des surprises.

 

 

Voilà aussi ce que je dis, moi.

 

 

 

samedi, 14 avril 2012

VIVE LA CORRIDA !

« Les taureaux s’ennuient le dimanche ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est JACQUES BREL. Franchement, je la trouve très bête, cette chanson. La preuve ? La féria de Nîmes, lors de fêtes de la Pentecôte 1971.

 

 

Je ne vais pas me faire que des amis : j’aime la corrida. Ça ne fera sûrement pas plaisir à D., qui a collé sur sa vitre, au rez-de-chaussée, des affiches annonçant que « Le ridicule tue », et montrant des femmes en tenue légère portant des culottes en fourrure animale. Elle idolâtre les chats et milite pour la cause animale.

 

 

J’espère qu’à table, elle s’interdit la viande, halal ou pas, mais aussi le lait, les œufs, le beurre, le fromage. Comme toutes les âmes sensibles qui ne supportent pas même l’idée que ce qu’elles sont en train de manger était, il n’y a pas si longtemps, sur deux ou quatre pattes, était doté d’un cœur qui battait.  

 

 

Je le dis tout de suite : je ne suis pas un aficionado, je ne suis pas un adepte de la corrida. Je ne milite surtout pas pour la corrida : les lecteurs de ce blog savent ce que je pense du militant en général. Je n’ai même pas de jugement sur la corrida.

 

 

 

Mais j’ai un jugement sur ceux qui veulent la mort de la corrida. Comme sur tous ceux, en général, qui veulent interdire. Qui s'auto-proclament les censeurs, qui prétendent s'arroger le droit de dicter leurs volontés à tout le monde. Je considère comme des imbéciles les exaltés du CRAC (Comité Radicalement Anti-Corrida, dire qu'en les citant, je leur fais de la pub...). Mais pour me consoler, je me dis qu’ils ne le font pas exprès. Et je ne sais pas si les aficionados sont plus intelligents.

 

 

J’aime donc ça, et pourtant, j’ai assisté, en tout et pour tout, à une seule et unique corrida dans ma vie. C’était à Nîmes, en 1971. Vous dire si ça remonte. J’étais descendu en stop, en compagnie de mon ami JEAN T., pour la féria de la Pentecôte. Je ne savais pas du tout ce que j’allais voir.

 

 

 

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Il y avait six taureaux au programme, deux par torero. De cinq des taureaux, je n’ai gardé strictement aucun souvenir, sinon ceux de l’attelage qui vient à la fin retirer le cadavre, et du gars qui vient recouvrir de sable le sang versé.

 

 

Donc, je ne suis vraiment pas un aficionado. Je n’y connais absolument rien, ni dans les termes spécialisés qu’affectionne JACQUES DURAND, l’émérite chroniqueur « corrida » du journal Libération, ni dans le code des gestes accomplis par l’artiste à l’épée.

 

 

De deux des toreros, je ne me souviens strictement de rien, mais alors là, le noir total. C’est du troisième que je veux parler. Il s’appelait EL CORDOBÈS. Et ce qu’il a fait ce jour-là est resté pour moi absolument inoubliable. Il toréait le dernier animal. J’en suis encore soufflé, j’en suis encore estomaqué.

 

 

 

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EL CORDOBES 

 

A côté de nous était assis un habitué, un vieux complètement  sympathique et édenté, qui entreprit de nous instruire, quand il s’aperçut que nous étions carrément ignares en la matière. Inutile de dire que ses efforts ressemblèrent à la goutte de pluie qui rencontre un tas de sable dans le Sahara, par 50° à l’ombre (à l’ombre de quoi, on se demande). Qu’importe. Il y avait un orchestre sur notre droite, qui devait jouer, j’imagine, un paso doble.

 

 

EL CORDOBÈS avait une certaine renommée, il était peut-être célèbre à l’époque. Peut-être même était-il la tête d’affiche de la féria cette année-là. Quand il est entré pour le dernier taureau (je devrais écrire « toro », pour faire initié), j’ai trouvé qu’il se pavanait, qu’il bombait un peu trop le torse, enfin bon.

 

 

 

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TOUJOURS LUI 

 

Le combat s’engage, tranquille, peinard. Tout d’un coup, je ne sais pas comment, le taureau, tête baissée, crochète avec le bout de sa corne le bas de la jambe d’EL CORDOBÈS et envoie valdinguer le torero dans les airs. Toutes les arènes pétrifiées, mes amis ! Intervention des assistants, qui s’efforcent de détourner l’attention de la bête. Le grand EL CORDOBÈS a été envoyé au tapis. Il a mordu la poussière, tout vêtu qu’il est de son « habit de lumière ».

 

 

Il est à plat ventre, il a lâché la cape, il lève la tête. Et puis il se remet debout, reprend ses esprits, la cape, l’épée, tout ce qu’il faut. Et il revient face au taureau. Alors là, les amis, je plains à jamais les gens qui n’ont pas vu le grandiose, l’extraordinaire, le magique qui a suivi. Moi qui n’y connaissais rien, j’ai été emporté par la folie furieuse qui a gagné les arènes à partir de ce moment.

 

 

On aurait pu traduire ce qui s’était passé dans la tête du CORDOBÈS : « Ah mon ami, tu m’as humilié devant mon public ? Eh bien tu vas voir de quoi je suis capable ! ». Il a alors enchaîné les passes, tournant autour de l’animal, ou l’obligeant à tourner autour de lui, je ne saurais dire. Tous les deux ont véritablement dansé une valse extraordinaire, très méthodique, très harmonieuse, très géométrique, tout autour de l’arène.

 

 

 

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LE MÊME 

 

L’homme pouvait être debout, loin du taureau ou alors tout contre lui, il pouvait mettre un genou en terre, offrir son ventre ou sa poitrine, quoi, il pouvait tout faire. Dans les cercles successifs de la danse, EL CORDOBÈS amena progressivement son taureau juste en dessous de la tribune officielle, après une succession de passes absolument magistrales. Inutile de dire que les arènes de Nîmes vibraient, étaient debout, transportées à hurler des « olé » d’extase.

 

 

Inutile de dire que moi, qui n’avais jamais vu de corrida, qui n’y connaissais rien, j’étais plus debout que tout le monde et je criais « olé » plus fort que tout le monde, comme tout le monde. En fait non, pas comme tout le monde : bizarrement, j’avais l’impression d’être tout seul face au spectacle de ce combat.

 

 

 

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EL CORDOBES, UN DERNIER POUR LA ROUTE 

 

Oui, bizarre. Je n’ai jamais éprouvé à ce point l’impression d’être à ce point seul au milieu d’une foule. Très étrange : j’étais tellement possédé par l’intensité et la beauté de ce que je voyais, que je ne voyais plus rien d’autre. Une beauté qui me soulevait d’enthousiasme, et je pense qu’il en était de même pour chacun des milliers d’individus qui étaient rassemblés dans le lieu.

 

 

Je ne peux rien dire d’autre : ce jour-là, j’ai été projeté dans la BEAUTÉ. Je n’explique rien. Je témoigne. Et comment dire ? Une beauté qui serait au-delà de l’esthétique.

 

 

Je ne suis jamais retourné voir un spectacle de corrida. Maintenant, on peut me raconter ce qu’on veut sur la cruauté de la chose, sur la souffrance animale. Vous voulez que je vous dise ? JE M’EN FOUS. Ce que j’ai vu à Nîmes en 1971, lors des fêtes de la Pentecôte, c’est gravé dans le marbre de ma mémoire, c’est de l’encre indélébile, et seule la maladie inventée par le Docteur ALZHEIMER aura la force de l’en déloger.

 

 

Je ne dis pas que toutes les corridas sont splendides en soi. Je ne dis pas que la corrida est belle et bonne en soi. Beaucoup sont sans doute de bas niveau, voire carrément ratées et laides. Je dis seulement que ce que j’ai vu ce jour-là m’a transporté au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. C’est peut-être un peu hasardeux de parler d’orgasme, mais il doit y avoir de ça. Inattendu, c’est certain, exceptionnel, sans doute.

 

 

Disons que j’ai eu de la chance. Finalement, je ne sais pas si j’aime la corrida. Ce que je sais, c’est que j’étais là ce jour-là. Je ne sais même pas si j’ai vu une corrida. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que depuis ce jour-là, je sais ce que c’est, LA corrida. Voilà, c’est ça : j’ai eu la chance de voir LA corrida. La quintessence. Le chef d’œuvre. LA CORRIDA ABSOLUE. La preuve, c’est que je n’ai plus eu besoin d’en voir une seule, depuis.

 

 

Quoi, je n’ai pas parlé de la mise à mort ? Mais je m’en tape, de la mise à mort. Vous voulez que je vous dise ? « Et je l’ai vue toute petite partir gaiement vers mon oubli ». Ce n’est pas moi qui le dis. C’est GEORGES BRASSENS, bien sûr. Tout ce qui compte, ça tient entre un danseur et sa partenaire, entre le « croche-patte » et le moment où il ramène sa cavalière (entre 450 et 500 kilos quand même) à ses parents. Le reste ne compte pas.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mercredi, 21 mars 2012

VOTEZ LA FONTAINE !!!

« Nous au village aussi l’on a de beaux assassinats », pourraient se mettre à chanter, avec GEORGES BRASSENS, les candidats à la présidentielle. Ce n’est pas tous les jours, il est vrai, qu’on vous dégomme en pleine rue, d’abord quatre hommes bien musclés, bien parachutistes et bien français, puis quatre personnes, bien innocentes, bien juives et bien françaises.

 

 

Les cyniques diront qu’au moins, ça met de l’animation dans une campagne électorale d’envergure lilliputienne et d’intérêt microscopique. D’autres se féliciteront de ce qu’enfin, pendant quelques jours au moins, on va cesser de parler de politique.

 

 

Comme tous les 11 novembre devant les monuments aux morts, rien n’est plus important que les noms des personnes, même dans le cadre discret d’un blog à la portée confidentielle. Les voici :

 

ABEL CHENNOUF,

MOHAMED LEGOUAD,

IMAD IBN ZIATEN.

 

LOÏC LIBER,

 

le quatrième soldat, né à Trois-Rivières, en Guadeloupe, est toujours entre la vie et la mort. Les quatre dernières victimes s’appellent

 

GABRIEL SANDLER,

ARIEH SANDLER

JONATHAN SANDLER, leur père

MYRIAM MONSONEGO.

 

 

Il n’y a rien à ajouter, et je n’ajouterai donc rien à ce sujet.

 

 

Je voudrais malgré tout parler de cette campagne électorale, mais sur un ton moins tragique que les événements. Les candidats, au moins temporairement, sont tous au garde-à-vous et le petit doigt sur la couture du pantalon, en attendant de savoir où ira le vent, quand il se remettra à souffler, pour rester dans le courant d’air. Car une campagne électorale est un courant d’air.

 

 

En fait, je voulais évoquer la campagne d’une façon enjouée, presque ironique. Au risque de paraître déplacé, je vais donc convoquer LA FONTAINE. La première des fables s’intitule « Le Chat et un vieux rat ». Ce n’est pas la plus méconnue. Elle raconte l’histoire d’un chat qui a recours à des ruses diaboliques (ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « l’Attila, le fléau des Rats ») pour croquer le maximum de souris.

 

 

 

Pour les mettre en confiance, il commence par contrefaire le pendu, ce qui réjouit la « gent trotte-menu » qui, d’abord timide, s’enhardit hors de chez elle. C’est un massacre. Ensuite, s’étant enduit de farine et glissé dans la huche, il fait un deuxième festin. Reste un vieux rat :

 

« Un Rat sans plus s’abstient d’aller flairer autour :

C’était un vieux routier : il savait plus d’un tour ;

Même il avait perdu sa queue à la bataille.

Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille,

S’écria-t-il de loin au Général des Chats.

Je soupçonne dessous encor quelque machine.

Rien ne te sert d’être farine ;

Car quand tu serais sac, je n’approcherais pas.

C’était bien dit à lui ; j’approuve sa prudence :

Il était expérimenté,

Et savait que la méfiance

Est mère de la sûreté. » 

 

Eh bien, à l’approche de l’élection présidentielle, je me sens un peu le frère de ce vieux rat, même si j’ai perdu plus d’illusions qu’autre chose à la bataille, et moi non plus, je ne m’approcherai pas de toutes les gueules enfarinées qui prétendent me faire sortir de ma tanière le 22 avril prochain. Il vaut mieux que dès maintenant ils le sachent : aucune de leurs ruses en pataugas n’y réussira. Sûr qu’apprenant ça, ils en seront sincèrement marris, et je les comprends : je les prive tous de ma voix, c’est irrévocable. Na !

 

 

J’en viens maintenant à ma deuxième fable du sire LA FONTAINE. Qu’on veuille bien y voir une simple transposition de l’effort accompli avec succès par NICOLAS SARKOZY pour se faire élire en 2007, et de l’effort (plein de violence et de démesure ridicule et dérisoire à l’encontre de FRANÇOIS HOLLANDE, dont les lecteurs de ce blog savent pourtant que je ne le porte guère dans mon cœur) qu’il est en train de faire pour se faire réélire.

 

 

La Fable s’intitule « Le Berger et la mer » :

 

« Du rapport d’un troupeau dont il vivait sans soins

Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite.

Si sa fortune était petite, elle était sûre tout au moins.

A la fin les trésors déchargés sur la plage

Le tentèrent si bien qu’il vendit son troupeau,

Trafiqua de l’argent, le mit entier sur l’eau ;

Cet argent périt par naufrage.

Son maître fut réduit à garder les brebis,

Non plus Berger en chef comme il était jadis,

Quand ses propres moutons paissaient sur le rivage ;

Celui qui s’était vu Coridon ou Tircis

Fut Pierrot, et rien davantage.

Au bout de quelque temps il fit quelques profits,

Racheta des bêtes à laine ;

Et comme un jour les vents retenant leur haleine

Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :

Vous voulez de l’argent, ô Mesdames les Eaux,

Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :

Ma foi, vous n’aurez pas le nôtre.

 

Ceci n’est pas un conte à plaisir inventé.

Je me sers de la vérité

Pour montrer par expérience,

Qu’un sou, quand il est assuré,

Vaut mieux que cinq en espérance ;

Qu’il faut se contenter de sa condition ;

Qu’aux conseils de la Mer et de l’Ambition

Nous devons fermer les oreilles.

Pour un qui s’en louera, dix mille s’en plaindront.

La Mer promet monts et merveilles ;

Fiez-vous-y, les vents et les voleurs viendront. »

 

Le berger a bien fait de ne pas écouter les sirènes électorales de NICOLAS SARKOZY, qui promet monts et merveilles. Pour clamer « La France forte », il faut bien qu’il espère duper assez de souris et de bergers pour conforter sa place. J’espère seulement que les déçus du « sarkozisme » n’oublieront pas qu’ils ont d'abord été déçus. Et qu'ils le restent. Retenez ça : « La Mer promet monts et merveilles ». Eh oui !

 

 

Ce n'est certes pas celle qu'on voit danser le long des golfes clairs.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 15 mars 2012

BESOIN DE GRANDS DIABLES

BESOIN DE DIABLES

 

Qui se souvient de SLOBODAN MILOSEVIC ? Qui a encore en mémoire le nom de SADDAM HUSSEIN ? Que reste-t-il de KIM JONG IL dans les flashes d’actualités ? Et de son cher papa, le « président éternel », le « grand leader », le « professeur de l’humanité entière », le « cher dirigeant » KIM IL SUNG ? Et du grand NICOLAE CEAUCESCU, se rappelle-t-on qu'il fut pour nombre de Roumains, plutôt de force que de gré, le « Danube de la Pensée » ? Le « Génie des Carpathes » ?

 

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LE « CONDUCATOR » 

 

C’est que tout passe, tout lasse, et que le firmament des despotes a tendance à s’encombrer. Y brillèrent, en des temps plus ou moins passés, bien des étoiles, plus ou moins filantes. Tout le monde a encore en mémoire la toque de léopard de MOBUTU SESE SEKO, qui vantait la qualité merveilleuse de la pelouse de son grand stade de Kinshasa, dont le sol était, selon lui, abondamment nourri et fumé par les cadavres de ses opposants.

 

 

Beaucoup se souviennent d’IDI AMIN DADA, qui proclamait sa préférence gastronomique marquée pour le cœur de ses ennemis, pas trop cuit si possible, qu’il disait prélever sur leurs carcasses pendues à des crochets de boucher, et de JEAN BEDEL BOKASSA, non exempt de tels soupçons, mais passé à la postérité surtout pour le carton-pâte généreusement recouvert d’or de son trône d’empereur, pour les diamants offerts à VALERY GISCARD D’ESTAING et pour le lien de filiation qu’il revendiquait avec CHARLES DE GAULLE en personne.

 

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EMPEREUR DE CENTRAFRIQUE, C'EST LE PIED ! 

 

Il est certain qu’on ne s’ennuyait pas, et qu’au moins, à cette époque, on savait vivre, que diable, on savait s’amuser. Pas comme les jeunots, qui ne savent plus être dictateurs avec fastes. Tiens, même que FRANÇOIS VILLON, s’il n’était pas mort trop jeune, aurait certainement aimé composer une ballade : « Mais où sont les dictateurs d’antan ? », qu’il aurait intitulée Ballade des Diables du temps jadis, et que GEORGES BRASSENS aurait mise en musique, et que tout le monde fredonnerait dans la rue, va savoir.

 

 

Plus récemment, nous pûmes essayer, dans une génération plus « lancée » de tailleurs avant-gardistes, des modèles plus ou moins seyants de dictateurs à la page, qui eurent pour jolis noms VLADIMIR KHADAFI, SADDAM POUTINE, HAFEZ EL MOUBARAK, HOSNI BEN ALI, ALI ABDALLAH ASSAD, enfin, je ne sais plus très bien, je finis par tout mélanger. Je note quand même qu’il y a beaucoup de noms arabes dans les derniers Satans dénoncés par l’Occident.

 

 

Un Russe (VLADIMIR POUTINE) et un Vénézuélien (HUGO CHAVEZ) ont bien tenté de s’immiscer frauduleusement dans le défilé de mode, mais ils ont été rapidement démasqués. Trop visiblement, ils déparaient dans la collection : ils n’avaient pas assez de sang sur les mains. On me dit qu’on est sans nouvelles de ROBERT MUGABE (Zimbabwe), qui aurait pu les aider à « recoller au peloton », si les médias ne l’avaient pas lâchement abandonné à son sort obscur de potentat provincial.

 

 

On espère, pour le prochain défilé, que seront satisfaites les demandes de messieurs OBIANG (Guinée équatoriale), SASSOU NGUESSO (Congo Brazzaville), OMAR EL BECHIR (Soudan), ALI ABDALLAH SALEH (Yemen), et qu’ils seront autorisés à défiler pour présenter leurs modèles sur la scène internationale.

 

 

Mais trêve de plaisanterie, tous ces chefs d’Etat dénoncés à longueur de colonnes dans les journaux occidentaux occupent nos médias pour une raison précise : ils incarnent le Mal. Ce sont tous de grands diables. Et qu’on se le dise, l’Occident a besoin de « Grands Diables ». Car, qu’on se le dise, nul ne saurait disputer à l’Occident l’appellation de « camp du Bien ».

 

 

Et rien de tel qu’un « Grand Diable » pour donner force et crédibilité au camp du Bien. C'est bien connu, le Bien a besoin d'un Mal bien identifié pour exister en tant que Bien. A cet égard, la grande erreur des Occidentaux est d'avoir fait disparaître SADDAM HUSSEIN. D'abord parce qu'ils ont perdu un repoussoir, qui était quand même bien commode, ensuite parce qu'ils n'ont plus la maîtrise de rien dans l'évolution présente de la situation. Veiller à ce que le Grand Diable reste en bonne santé devrait être la première des préoccupations. Je plaisante.

 

 

Mais il est vrai qu'on a cru un temps que GEORGE W. BUSH avait le couvercle de la cafetière complètement fêlé, avec son obsession d’ « Axe du Mal ». Que je sache, il n’est plus au pouvoir, et l’ « Axe du Mal » semble avoir résisté, et mieux que ça, proliféré. On ne lui a même pas demandé son avis. Va savoir, il est peut-être vexé, GEORGE WALKER.

 

 

Maintenant, l’axe du mal se nomme Al Qaïda (AQ, et sa petite sœur AQMI, pour Maghreb Islamique, un joli pléonasme, vu l’empressement des musulmans à faire disparaître de leur paysage religieux tout ce qui n’est pas musulman), mais fait des détours par Pyong Yang, Damas, Téhéran (alors, la bombe ou pas la bombe, demandent fiévreusement les journaux ?), sous le regard paternel de Moscou et Pékin. Comme disait SEMPÉ : « Rien n’est simple, tout se complique ».

 

 

Le Grand Diable est devenu multiple et insaisissable. Cela veut-il dire que le visage du camp du Bien se fragmente et part en éclats, comme un miroir qui se brise ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.


 

samedi, 25 février 2012

DU TEMPS QUE L'EUROPE SE SUICIDAIT

DU POILU DANS SES DIVERS ETATS

 

(Les joyeux suicides du continent européen)

 

 

Je ne suis certes pas historien, mais ce n’est pas une raison pour ne pas se forger quelques idées pour son propre compte. Sur l’histoire, par exemple, il y en a quelques-unes qui prennent du temps pour sortir de la forge. Par exemple, j’ai commencé, quand j’étais tout gosse, par éprouver des frissons au son de la sonnerie « aux morts », tous les 11 novembre.

 

 

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ARVIEUX - 05350 

 

Et puis, un jour, j’ai commencé à lire les noms gravés sur un monument « aux morts ». J’ai aussi fait un « service militaire ». Ça finit par relativiser le sens de certains mots, comme « héros », « gloire », « patrie », et quelques autres.

 

 

J’ai vu des cimetières militaires : le tout « petit » de la Doua ; celui de Colleville-sur-Mer, avec son horizon de croix blanches américaines ; celui de Douaumont, avec sa haute marée de croix blanches – françaises, pense-t-on en général, mais comment déterminer la nationalité des os ?

 

 

Dans deux ans, c’est le centenaire d’un début, mais aussi le début d’un centenaire. Un centenaire qui devrait durer exactement d’août 2014 au 11 novembre 2018. Vous avez déjà compris qu’il s’agit de la « grande », de la « der des der », de « celle que je préfère » (GEORGES BRASSENS) : la Guerre de 1914-1918.

 

 

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PLEURTUIT - 35730 

 

Je voudrais ici, par avance, apporter ma petite pierre – oh, un minuscule gravier – au plantureux monument que ne manqueront pas d’édifier les sûrement grandioses cérémonies qui ne manqueront pas de  marquer les quatre ans de l’anniversaire de ce jour mémorable où l’Europe, lasse de régner sans partage sur le monde connu, se résolut à laisser la place à d’autres et à procéder, sans plus attendre, à son suicide.

 

 

Je ne trouve guère d’autre mot que « suicide » pour désigner l’égorgement de masse sciemment commis par des élites fanatisées sur des jeunesses intoxiquées et embrigadées. Disons-nous bien que 1.400.000 Français sont morts de ce virus, cela fait 27 % des jeunes hommes âgés de 18 à 27 ans.

 

 

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ERQUY - 22430 

 

Ce ne fut guère moins chez quelques nations amies et ennemies. FALKENHAYN, le concepteur de la bataille de Verdun en 1916, crut, jusque sur son lit de mort, que « sa » bataille avait « saigné » l’armée française et épargné l’allemande. On dira que c’est moins que la grippe espagnole de 1918, dont mourut le bon GUILLAUME APOLLINAIRE.

 

 

Ce suicide ne fut que le premier d’une longue série. Pour situer les choses, l’épisode de prospérité matérielle apparente et de réelle exténuation morale progressive, que les économistes appelèrent pompeusement les « Trente Glorieuses », se situe un peu après le deuxième suicide du continent européen.

 

 

Le suicide européen auquel nous assistons sans doute présentement, qui porte comme marques de fabrique, parmi bien d’autres, l’obsession de la REPENTANCE et le RENONCEMENT à exister, est peut-être le dernier. Mais va savoir à quels autres suicides futurs nous sommes promis, grâce à l’audacieux, ferme et total aveuglement de nos pilotes actuels.  

 

 

Restons-en pour le moment à ce suicide « fondateur » que constitue cette guerre de quatre ans et quelque, et à la façon dont les vivants ont ensuite arrangé les choses. En particulier ce qu’on appelle aujourd’hui les « monuments aux morts », ces édifices de pierre devant lesquels, tous les 11 novembre, viennent s’incliner le maire, les enfants des écoles, quelques anciens combattants, un peu de population.

 

 

J’attends, quant à moi, que la cérémonie commémorative annuelle, d’une part, se démilitarise, et d’autre part, fasse la plus large place aux NOMS gravés. Pour moi, le 11 novembre devrait consister en ceci : lire à haute et intelligible voix, l’un après l’autre, les noms des citoyens de la commune qui ont disparu dans le massacre. Rendre ainsi aux morts leur nom parmi les hommes, je ne vois pas de plus bel hommage.

 

 

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GRIGNAN - 26230 

 

En particulier, je ne comprends pas que certains monuments portent fièrement des inscriptions du genre « Gloire à nos héros », par exemple celui de Caluire (69). Je préfère de loin, même s’ils semblent trop modestes, ceux qui parlent des « enfants » du lieu. « Morts pour la France », à la rigueur, même si on pourrait discuter.

 

 

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CAMPAN - 65710

 

Autre aspect important de « l’art patriotico-tumulaire » (JEAN-MARIE DE BUSSCHER, chronique régulière et illustrée dans Charlie-Mensuel) : la représentation. L’essentiel des monuments français, disons-le, consistent en un simple obélisque, augmenté éventuellement d’une croix de guerre, d’une tête de coq, d’une palme ou autre.

 

 

Pour les monuments représentant des hommes, un certain nombre d’entreprises ont constitué de véritables catalogues, dans lesquels les conseils municipaux pouvaient choisir un modèle adapté à leur budget, le « poilu sentinelle » (diffusé à des centaines d’exemplaires) pouvant être livré en bronze, en pierre, en pierre reconstituée, en plâtre, etc.

 

 

Plus rares furent les communes qui firent appel à un sculpteur local, ce qui a donné des résultats variés, de l’art naïf au grand art. Je me suis efforcé, sur kontrepwazon, de rendre hommage à ces efforts municipaux, parfois maladroits, parfois bouleversants, le plus souvent simplement émouvants.

 

 

Montfaucon 43.JPG

MONTFAUCON-EN-VELAY - 43290

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

dimanche, 12 février 2012

MALLARME, POETE, AVERS ET REVERS

STEPHANE MALLARMÉ, c’est entendu, c’est le poète symboliste, c’est l’hermétisme, c’est l’amphigouri inintelligible. Réservé à la délectation solitaire de quelque esthète vaguement efféminé, prenant une pose avantageuse, ne portant comme vêtement qu'un fume-cigarettes épouvantablement long entre deux doigts alanguis, devant sa psyché, autour de minuit si possible, pour se déclamer à lui-même le sonnet en X, cet étrange objet sonore dont tout le monde a peut-être entendu parler :

 

« Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,

L’Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,

Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix

Que ne recueille pas de cinéraire amphore

 

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,

Aboli bibelot d’inanité sonore,

(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx

Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.)

 

Mais proche la croisée au nord vacante, un or

Agonise selon peut-être le décor

Des licornes ruant du feu contre une nixe,

 

Elle, défunte nue en le miroir, encor

Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe

De scintillations sitôt le septuor.»

 

 

Et voilà le travail, mesdames et messieurs, avec le triple saut périlleux arrière ! C’est-y pas bien enroulé ? On peut applaudir. Pour ceux qui n'ont rien compris, le beau chat tigré que vous voyez ici attend vos langues que vous avez déjà commencé à lui donner, merci pour lui, il en est friand.

 

 

Je ne vais pas me donner le ridicule de tenter l’exégèse de ce texte que certains considèrent comme une simple facétie ô combien raffinée de son auteur. En tout cas, on ne saurait nier qu’en même temps qu’une prouesse, il y a là, subtil certes, un jeu.

 

 

 

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ON NE LE DIRAIT PAS, POURTANT, AVEC SON AIR BONHOMME 

 

On est dans l’abstraction au carré, voire au cube, une abstraction qui se donne le plaisir d’enfermer le commentateur dans son cercle vicieux, et voulu. Quant à moi, je comparerais volontiers ce poème aux boutons de ceinture (en ivoire, en buis ou en corne) qui donnaient l’occasion aux sculpteurs japonais de déployer leur ébouriffante virtuosité de geste, et qu’on appelle netsukes, dont on admire un exemplaire ci-dessous.

 

 

 

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OBSERVONS LA FINESSE DES DETAILS ET LA GRANDE PURETE DES LIGNES 

 

Laissons ce diamant noir à son silence hautain, après avoir signalé qu’un autre, qui fut un temps poète symboliste, le nommé ALFRED JARRY, a rendu un hommage appuyé à STEPHANE MALLARMÉ, en lui consacrant, dans ses célèbres et méconnus Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, le chapitre « De l’île de Ptyx », qui commence ainsi : « L’île de Ptyx est d’un seul bloc de la pierre de ce nom, laquelle est inestimable, car on ne l’a vue que dans cette île, qu’elle compose entièrement » (III, 19).

 

 

MALLARMÉ n’était pas, quoi qu’un vain peuple en pense, campé dans sa citadelle des sommets poétiques. Sait-on assez, par exemple, qu’il donnait aussi du travail au facteur, non seulement parce qu’il écrivait à diverses personnes, mais par sa façon toute personnelle, sur l’enveloppe, de rédiger leurs adresses ?

 

 

Ecrit-il à JORIS KARL HUYSMANS (A Rebours, Là-bas, …) ? Cela donne :

 

« Rue (as-tu peur) de Sèvres onze

Subtil séjour où rappliqua

Satan tout haut traité de gonze

Par Huÿsmans qu’il nomme J. K. »

 

 

A ODILON REDON ?

 

« A la caresse de Redon

Stryge n’offre ton humérus

Ainsi qu’un succinct édredon

Vingt-sept rue, ô Nuit ! de Fleurus. »

 

A EDGARD DEGAS ?

 

« Rue, au 23, Ballu J’exprime

Sitôt Juin à Monsieur Degas

La satisfaction qu’il rime

Avec la fleur des syringas. »

 

 

Peut-être les facteurs recevaient-ils une formation spéciale pour ce genre de correspondance, lointain précurseur de ce que quelques prétentieux nommèrent, dans les années 1950, le « mail art », ou « art postal » ?

 

 

De même, l’habitude qu’il a d’offrir des fruits glacés (ou autres présents) au nouvel an, lui donne mainte occasion de jeux savants :

 

« Sous un hiver qui neige, neige,

Rêvant d’Edens quand vous passez !

Pourquoi, Madame Madier, n’ai-je

A donner que des fruits glacés… »

 

 

« Je ne crois pas qu’une brouette

D’espoirs, de vœux, de fleurs enfin

Verse à vos pieds ce que souhaite

Notre cœur, Madame Dauphin. »

 

 

« Eva, princesse ou métayère

Allumeuse du divin feu

En y posant cette théière

Saura le modérer un peu. »

 

 

Soyons sincère, n’aimerait-on pas brocher de tels bibelots en l’honneur d’une correspondante ? Et celle-ci ne devait-elle pas goûter l’offrande de ces petits mots ciselés ? Je voudrais terminer ce petit hommage à l’impeccable artiste que fut STEPHANE MALLARMÉ en recopiant pour vous un sonnet tellement discret qu’il échappe aux yeux pourtant les mieux avertis, et qui semble (au premier rabord) détonner, dans une production généralement considérée comme le comble du raffinement :

 

« Parce que de la viande était à point rôtie,

Parce que le journal détaillait un viol,

Parce que sur sa gorge ignoble et mal bâtie

La servante oublia de boutonner son col,

 

Parce que d’un lit grand comme une sacristie,

Il voit sur la pendule, un couple antique et fol,

Ou qu’il n’a pas sommeil, et que, sans modestie,

Sa jambe sous les draps frôle une jambe au vol,

 

Un niais met sous lui sa femme froide et sèche,

Contre ce bonnet blanc frotte son casque-à-mèche

Et travaille en soufflant inexorablement :

 

Et de ce qu’une nuit, sans rage et sans tempête,

Ces deux êtres se sont accouplés en dormant,

O Shakespeare et toi, Dante, il peut naître un poëte ! »

 

 

 

MALLARME PEINT.jpg

LE PORTRAIT DU GRAND HOMME PAR EDOUARD MANET 

 

Je pense à « Philistins », de JEAN RICHEPIN, mis en musique par GEORGES BRASSENS : « Philistins, épiciers, pendant que vous caressiez vos femmes, en pensant aux petits que vos grossiers appétits engendrent, vous pensiez : ils seront menton rasé, ventre rond, notaires, mais pour bien vous punir, un jour vous voyez venir sur terre, des enfants non voulus, qui deviennent chevelus poètes ».

 

 

Il était de bon ton, en ces temps reculés, de brocarder le « bourgeois », son épaisseur, sa bassesse culturelle foncière, son matérialisme à tout crin, sa surdité affichée pour tout ce qui vous avait des airs spirituels. Ces époques obscures sont évidemment, désormais, révolues. N’avons-nous pas, pour remplacer avantageusement le « bourgeois », le nouveau héros de nos villes modernes : le BO-BO ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

mercredi, 01 février 2012

LE FLEAU DU DROIT DE VOTE (1)

C'est très beau, le droit de vote. C'est magnifique. Le monde entier nous l'envie. C'est le résultat glorieux de siècles de combat contre l'obscurité, contre l'obscurantisme, contre l'obscuration, contre l'obscurcissement, et allez tiens, tant que j'y suis, contre l'obscurisme. Parfaitement.

 

 

Et conquis de haute lutte, au prix d'efforts prométhéens et de sacrifices, humains, surhumains, inhumains. Et nous, qui « entrerons dans la carrière quand nos aînés n'y seront plus, nous y trouverons leur poussière et la cendre de leur vertu », et nous avons le sacré devoir et le devoir sacré de faire honneur à leur héroïsme et de perpétuer leur mémoire. Moi je dis : « Certes ».

 

 

Mais je dirais aussi volontiers : « Je suis celui qui passe à côté des fanfares, et qui chante en sourdine un petit air frondeur » (tout le monde a reconnu Le Pluriel, de tonton GEORGES BRASSENS). Il paraît même que c'est un devoir. Que tu es coupable si tu le remplis pas. Il faut que tu dises, tous les cinq ou six ans, si tu veux que ce soit M. ou Mme Foncoutu, ou M. ou Mme Coutufon qui tienne les commandes. Aux prochaines élections syndicales, sera-ce FRANÇOIS HOLLANDE ou NICOLAS SARKOZY qui sera élu Délégué du Personnel ?

 

 

Ah c'est sûr, on me fait beaucoup d'honneur en me demandant mon avis chaque fois qu'il y a une élection. D'autant plus d'honneur qu'on se fout bien de ce que je pense pendant les cinq ans moins un jour qui suivent. Cela me fait penser au 8 mars, vous savez, qu'on appelle la Journée de la Femme : « un jour pour y penser, 364 jours pour l'oublier ». Et les syndicats UMP et Parti « Socialiste » se replient sur des positions préparées à l’avance, derrière la muraille de la légalité démocratique.

 

 

Cela vaut évidemment pour la journée des maladies contagieuses, celle sans voiture, celle sans tabac, bref, il ne reste qu'à inventer la Journée de la Journée, pour qu'on puisse oublier les autres journées. Le droit de vote, c'est pareil. A quand une Journée du Vote, pour oublier qu'on oublie les électeurs tout le reste du temps ?

 

 

La démocratie est la plus merveilleuse des choses, c’est entendu. « Le pire de tous les systèmes à l’exception de tous les autres », selon WINSTON CHURCHILL. Il paraît qu’on y vit en liberté. Je dis « il paraît », parce qu’il existe de puissants moyens d’orienter cette liberté dans des directions précises, comme j’ai eu l’honneur de le narrer ici même il y a peu (voir mes notes récentes sur la manipulation).

 

 

La plus merveilleuse invention de la démocratie, donc, avant même la Liberté-Egalité-Fraternité, c’est le DROIT DE VOTE. Elle est le signe merveilleusement ineffaçable d’une dictature – quand elle s’effondre. Bon, c’est vrai que si c’est les islamistes qui s’assoient sur le trône, et pas celui des cabinets, c’est embêtant, mais bon, on va pas chipoter, hein, quand la démocratie gagne, ça veut dire que c’est la démocratie qui a gagné, hein. Enfin, c'est ce qu'ils disent. Et ça ressemble à du vrai.

 

 

Qu’est-ce qui a été gagné ? Par qui ? Là, c’est beaucoup moins clair. Et si, au fond du fond, le droit de vote était tout bonnement un FLÉAU ?

 

 

Précision liminaire : je hais le théoricien qui a mis au jour et en équations les structures des sociétés et qui peut tout vous expliquer parce qu'il a tout lu. Cela lui permet de pérorer doctement du haut d'un savoir qu'il a lui-même contribué à édifier, et qu'il a en grande partie hérité de théoriciens qui l'ont précédé et ensemencé.

 

 

Ce faisant, il tient à distance respectable le « vulgum pecus », auquel j'appartiens, considéré comme inculte et ignare. Je veux parler, évidemment, du SPECIALISTE, de l'EXPERT. Je dirai une autre fois les raisons et les caractéristiques de cette haine de la race des « experts », quelque chatoyante qu’en apparaisse l’espèce mordorée et pavanante.

 

 

L'être humain à peine social que je suis au présent, essaie dans la mesure de son maigre possible, de comprendre le monde dans le bouillon duquel il a été mis à mijoter. Du fond de ma boîte, j’ai vu, entendu, vécu deux ou trois petites choses. Et je me demande comment il se fait que notre système politique, a priori sérieux, m’apparaît aujourd’hui comme une énorme FARCE.  

 

 

En dehors de facteurs qui ne dépendent que de moi, et qui ne regardent que moi, comment diable se fait-il que le simple fait de voter ressemble à mes yeux, trait pour trait, à une comédie sinistre, à une aimable fumisterie, à une entourloupe de foire, à une vaste usine à fabriquer de l’imposture ? Je tâche de comprendre. A haute voix. 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A venir, les tribulations d’un bulletin de vote français.


 

lundi, 30 janvier 2012

LA BIBLE, C'EST TRES SURFAIT !

Je vais vous dire : la Bible, c’est très surfait. Il y en a qui en font des montagnes, qui ne s’en séparent jamais, qui l’ont apprise par cœur, qui sont prêts à se faire tuer pour elle, qui consentent même, pour elle, à devenir des assassins. Vous me direz que pour le Coran, c’est la même chose. Je sais.

 

 

Oui, on m’avait dit : « Lis la Bible, tu trouveras la vérité ». Même à Stockholm, tu te rends compte, il y a une bible (en anglais) dans la table de toutes les chambres de l’hôtel. Remarque, quand tu vas à l’Infirmerie Protestante, tu t’aperçois aussi qu’il y a une bible (en français) dans le tiroir de la table. Mais bon, c’est des protestants, ça n’excuse pas, mais ça explique. Il faut être indulgent.  

 

 

« The Good Book », ça c’est le titre d’un disque fameux de LOUIS ARMSTRONG. Il chante et joue des classiques bibliques et gospels. Mais là, c’est pas pareil, c’est de la musique. Parce que les nègres, ils ne plaisantent pas avec ça, la musique. Pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas un ornement de façade, c’est une personne à respecter. De l’ordre du sacré, si vous voulez. Autant que la Bible elle-même, c’est dire.

 

 

 

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LOUIS, alias SATCHMO (= BOUCHE EN FORME DE SACOCHE) 

 

A cet égard, après tout, peut-être que je suis un peu nègre sans le savoir. Je ne serais pas le premier blanc : CLAUDE NOUGARO (« Armstrong, je ne suis pas noir, je suis blanc de peau ») et NINO FERRER ( le capitaine Nino de Corto Maltese en Sibérie, de HUGO PRATT : « Je voudrais être noir ! ») m’auraient précédé. Bon, il se trouve que j’ai la peau pâle, et que finalement ça me convient. 

 

 

Mais c’est vrai que quand, par hasard, tu entres dans une église catholique (en France) pendant la messe, tu te rends compte que les chrétiens de cette espèce ignorent puissamment ce que c’est, la musique. J’ai parfois l’impression qu’ils la méprisent, même. Vous les entendez, ces chants las et lamentables, avachis, asthmatiques, exténués ? On dirait des bêtes étiques, faméliques, voire cachectiques, qu’on mène à l’abattoir se faire découper en lanières, stade ultime avant la farine animale.

 

 

Les nègres ? Ecoute-les un peu, pendant un office, quand le pasteur, pris d’enthousiasme, psalmodie en improvisant les paroles, soutenu par les répliques ferventes de l’auditoire. Ma parole, c’est sûr, tu perdrais presque l’habitude de ne pas croire.

 

 

C’est sûr qu’à Frontonas, malgré tout, pour le Credo et le Gloria, les phrases (en latin) étaient chantées alternativement par les filles des premiers rangs à droite et par les hommes assis en demi-cercle derrière l’autel, dans le chœur. C’était aussi de la musique, c’est vrai, mais bon. Rien à voir. C’est plus tard que j’en suis venu à SISTER ROSETTA THARPE et MAHALIA JACKSON.

 

 

Je me dis que peut-être, s’il y avait eu, dans nos églises bien catholiques, une goutte d’enthousiasme dans les cantiques, comme dans les gospels endiablés chantés par les nègres dans leurs offices, le catholicisme en France n’aurait pas ce visage triste, blafard, souffreteux, livide et, pour tout dire, cadavérique. Et que je serais peut-être encore croyant, va savoir. Bon, c’est peut-être surestimer l’importance de la musique.

 

 

Bon, alors, la Bible, le livre de la vérité ? A force de me l’entendre dire, j’ai fini par y mettre le nez. Eh bien, j’ai vu. Et je conclus que c’est très exagéré. Il n’y a sans doute pas plus de vérités dans la Bible que de mensonges. La preuve :  

 

« Il y a trois choses qui me dépassent,

et même quatre que je ne comprends pas :

la trace de l’aigle dans les cieux,

la trace du serpent sur le rocher,

la trace du navire au milieu de la mer,

et la trace de l’homme chez la jeune fille ».

(Proverbes, XXX, 18, traduction du chanoine CRAMPON)

 

Si, si, c’est dans la Bible. Moi qui ai un mal de chien à me rappeler les blagues, vous savez, celles qui font marrer tout le monde à la fin du repas, celle-là, je la connaissais, mais avec une variante. Ce n’était pas l’aigle, mais le nuage, qui passait dans le ciel sans laisser de trace. Bon, on ne va pas épiloguer. L’aigle ou le nuage, le serpent, le bateau, je veux bien. Mais la jeune fille ? Est-ce que c’est sérieux ? Moi, j’ai plutôt l’impression que le gars qui a écrit ça me prend pour une bugne.  

 

 

Prenez-la pucelle, prenez-la déjà un peu ou carrément usagée, qu’est-ce que ça veut dire ? Que lorsque l’homme ressort de la jeune fille après sa petite affaire, c’est comme si rien ne s’était passé ? Est-ce que ça signifie que l’orifice féminin est aussi inconsistant que l’air dans le ciel ? Aussi fuyant que l’eau de la mer ? Je laisse de côté le rocher, parce que … ça ne fait pas très réalistequand on examine posément la question. Quoi qu'il en soit, la Bible semble faire du féminin quelque chose qui n’est pas grand-chose.

 

 

Et puis franchement, pour l’engin masculin, c’est exactement la même chose : sans vouloir verser dans le vulgaire, y reste-t-il accroché quelque chose de l’antre féminin qu’il vient de visiter, en dehors des éventuels bocons, morpions, cirons, flocons et autres moutons, après la douche ? Dans ce cas, pourquoi seule la jeune fille est-elle citée ? N’y a-t-il pas quelque misogynie à la stigmatiser elle seule ? Et puis, est-ce qu’il n’y aurait pas, par hasard des traces autres que les visibles ?

 

 

C’est vrai que, dans certaines circonstances, la trace laissée par l’homme dans la jeune fille finira par se voir, au bout de quelque temps (9 mois environ).  Mais en dehors de ça, si quelqu’un peut m’expliquer la possible signification théologique, il est le bienvenu. S’il faut avoir Bac + 12 pour lire la Bible, ça augure mal de sa compréhension par les masses croyantes.

 

 

Une petite mention en passant pour les « madrasas », où les Pakistanais, Indonésiens et autres musulmans apprennent le Coran par cœur dès le plus jeune âge. Je signale que "taliban" vient de "taleb", qui veut dire "étudiant" (j'imagine qu'il étudie en tout et pour tout le Coran). Ça vaut les sectes protestantes. En pire. Tous ces gens qui, ayant appris par cœur des centaines, voire des milliers de pages qu’ils se récitent en boucle dans leur disque dur, moi ça me flanque la frousse. Parce que ça suppose que, tant que tu ne fais pas la même chose, tu restes leur ennemi.

 

 

Et les plus atteints, donc les plus dangereux, c’est ceux qui s’en tiennent une fois pour toutes à la lettre. J’ai connu un étudiant qui s’était fait embrigader dans les témoins de jéhovah, et qui n’en démordait pas : quand on lit la bible, on n’a strictement aucun besoin de lire quelque autre livre que ce soit. Je te dis pas l’étendue de sa culture générale.

 

 

Cet autre, qui s’appelait Taoufik, il était pourtant intelligent, avide d’apprendre, et c’est vrai qu’il en savait plein, des choses. Et puis un jour, il est arrivé, et il a déclaré fièrement que le Coran rend absolument inutiles, donc condamnables et combustibles, tous les autres livres. Il s’était laissé pousser la barbe.

 

 

C’est exactement ce principe qui a guidé le calife OMAR, en 642, quand il ordonna de détruire les 700.000 volumes que recelait la bibliothèque d’Alexandrie : « Si c’est dans le Coran, on n’en a pas besoin. Si ça n’y est pas, ce sont autant d’impiétés ».

 

 

Finalement, la Bible, c’est très surfait. Je n’avais déjà pas très bonne opinion des méthodistes, adventistes, mormons, quakers, témoins de jéhovah et autres sectes inventées grâce à la trouvaille que fut, chez les protestants, le lien direct établi spontanément entre Dieu et son croyant.  

  

L’appellation qui remporte tout mon suffrage, c’est l’Eglise de Jésus Christ  des Saints des Derniers Jours. C’est les mormons, ça, à vue de pied de nez ? Mais, comme dirait BRASSENS : « Moi mon colon celle que je préfère, c’est la guerre de 14-18 ». Chacun de ces protestants est à lui tout seul une petite entreprise qui ne demande qu’à prospérer, à s’étendre, à se répandre. « Allez, enseignez toutes les nations », qu’il dit, l’autre. On n’a pas fini d’en chier, avec les guerriers de dieu, les missionnaires, les prosélytes.

 

 

Bon, c’est vrai qu’ils n’en sont pas encore, les protestants, comme certains autres, à faire tenir leur pantalon avec une ceinture explosive au milieu des « infidèles », si possible des femmes et des enfants. Mais, la bombe en moins, c’est kif-kif bourricot.

 

 

Bon, on m'a dit qu'il n'y avait pas que ça dans la bible. Je la rouvrirai peut-être, mais à une autre page, en espérant tomber sur un passage plus rigolo. En tout cas, moi, je suis bien content d’être immunisé.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

NOTE A BENNE : je sais, on va me dire que je plaisante avec des choses sacrées, que la bible est le plus grand best-seller de tous les temps, et patali et patala. Que voulez-vous, je ne peux pas demander à ma mère qu'elle me refasse. Elle se fait vieille.

 

 

 

 

samedi, 21 janvier 2012

ET UNE TÊTE DE ROI SAUCE GRIBICHE !

Résumé : la « décollation » (c’est comme ça qu’on dit) de LOUIS XVI a créé de l’irréversible. Je voulais évidemment marquer la date mémorable du  21 JANVIER 1793.

 

 

 

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UNE TÊTE DE LOUIS XVI 

 

Comment en est-on arrivé là ? On n’est pas au cours d’histoire. Mais il y a quand même un truc qui me frappe. Lors de la Révolution, les députés qui entendaient changer quelque chose à l’ordre des choses se sont assis les premiers dans la partie gauche de l’hémicycle. Ceux qui voulaient le conserver plus ou moins tel quel, dans la partie droite. C’est depuis ça qu’on parle de « droite » et de « gauche ». Je parle de l’aspect général, pas des détails, des nuances et des moments.

 

 

Tout le 19ème siècle a vu cet affrontement (1848, 1871, affaire Dreyfus, laïcité, …). Il ne faut pas s’imaginer que l’ordre ancien se laisse badibulguer sans résistance. Parce que 360 bonshommes, c’est un tout petit peu moins de la moitié des voix, mais ils ne vont pas sans regimber se laisser guillotiner par 361 régicides. Chez les loups, les vrais, on est bien plus avisé : le moins fort adopte rapidement la position de soumission. La Révolution n’a certes pas inventé la guerre sociale, mais elle l’a drôlement structurée, je trouve.

 

 

J’ai en effet l’impression que toute l’histoire récente (1789 en général et 1945 en particulier) de la France a dépendu de cet abîme creusé entre deux France antagonistes par ceux qui ont raccourci le roi en 1793. Comme si la Révolution avait définitivement crispé deux muscles dans un bras-de-fer éternel entre le bras droit et le bras gauche du même corps. Bon, on va dire que je suis en train d'inventer l'eau tiède. J'avoue, mais attendez la fin quand même.

 

 

Je n’en suis pas à dire « Embrassons-nous Folleville » (EUGÈNE LABICHE) ! Je ne suis même pas loin de penser que ce ne sont pas deux bras d’un même corps, mais attachés aux troncs de deux individus différents, qui revendiquent chacun la possession d’une seule identité : la leur. J’ai l’impression que, depuis la Révolution, c’est l’identité française qui est divisée et qui dit : « Ma main droite te caresse, et ma main gauche te gifle ».

 

 

Parce que la Révolution, ça a été drôlement indécis, si on regarde la durée, rien que depuis les Etats-Généraux jusqu'au 9 Thermidor : 5 ans. CINQ ANS ! Les « révolutionnaires arabes » qui la ramènent, c’est rien que des blancs-becs. On verra dans quatre ans, tiens, où ils en sont. Je me dis que les nôtres, c’est un peu comme des couvreurs qui, en zigouillant le roi et tout le paquet de sacré qui allait avec, auraient eux-mêmes fait tomber l’échelle avec laquelle ils sont montés sur le toit : pour redescendre sur terre, il ne reste plus qu’à sauter. Dans l’inconnu.

 

 

En 1793, l’échelle, c’est la tête du roi. C’est un raisonnement du genre « tout ou rien ». Du genre « pacte de sang » : tous complices, donc tous solidaires. Aucun rachat possible. Si c’est une faute, elle est inexpiable. Sinon, on appellera ça un « acte fondateur ». Un peu comme le meurtre rituel du roi chez les « primitifs », dont parle RENÉ GIRARD dans La Violence et le sacré. Le meurtre qui unifie tous les membres de la nation.

 

 

Sauf qu’ici, on est dans un schéma « mythe contre mythe ». La Révolution contre l’Ancien Régime. Le nouveau mythe (la République) n’a pas arraché les racines de l’ancien (le Roi), et pour cause : quoi que tu fasses, le second fait partie du passé collectif. Difficile de s’amputer ou de se déraciner soi-même. Comment unifier les contraires ? ALFRED JARRY a accompli l’exploit de cet oxymore réalisé (dans la ’pataphysique). Mais la gauche et la droite, ce n’est pas envisageable.

 

 

 

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ALFRED JARRY, INVENTEUR DE LA 'PATAPHYSIQUE

GRAVURE SUR BOIS DE FELIX VALLOTTON 

 

Que serait-il arrivé si le roi n’avait pas été décapité ? Là, tu m’en demandes trop. Peut-être que ses partisans, aidés de tous ses « cousins » couronnés d’Europe, auraient eu la peau des Révolutionnaires. Va savoir. Et on ne serait peut-être pas là pour en parler. Toujours est-il que, depuis, droite et gauche demeurent irréconciliables. Je sens que je vous apprends quelque chose, non ?

 

 

La seule solution, c’est de dissoudre. Quoi ? Mais précisément : la gauche et la droite, voyons ! S’il n’y a plus ni gauche ni droite, où sera le problème ? C’est comme le cercle de BLAISE PASCAL et de quelques autres qui l’ont précédé : le centre est partout, la circonférence nulle part. Dit autrement : tout est dans tout, et réciproquement.

 

 

Mais dis-moi au moins, blogueur patafiolé, dissoudre, pourquoi pas, mais par quel miracle ? Mais, cher lecteur, par le miracle de l’économie de marché, de la concurrence « libre et non faussée » et de l’Ecole Nationale d’Administration, que toutes les planètes habitées nous envient. Les révolutionnaires n’avaient rien compris. Ils croyaient que leurs idées devaient triompher, et ils étaient prêts à se faire étriper pour ça. C’est fini. Maintenant que MARX a définitivement perdu la bataille, et même la guerre, c'est fini.

 

 

Tu élimines les idées, autrement dit, tu fais de la politique sans politique, et tu apprends aux futurs politiciens à bien gérer, à bien administrer les affaires d’un pays. Tu les mets sur les mêmes bancs de la même école. Ils apprennent les mêmes choses, à s’apprécier, à se tutoyer. Tant que la « politique » ne s’apprenait pas à l’école, c’est sûr, le pire était à craindre, le pays à feu et à sang et tout ça.

 

 

On a remédié à cette tare : ils ont tous appris à « gérer » les affaires. C’est le service comptable qui est aux commandes. Elle est bien oubliée, la tête du roi. Elle ne peut même plus servir d'épouvantail. Elle est devenue, au sens propre, INSIGNIFIANTE. Et la droite et la gauche ont cessé d’être des adversaires, voire des ennemis, et ne sont plus que des rivales dans la conquête et la conservation du POUVOIR. La gestion a eu raison des idées politiques. Maintenant, "gauche" et "droite" sont de simples éléments d'un décor de théâtre.

 

 

La mort du roi LOUIS XVI, aussi longtemps que j’ai cru qu’on était en République, je l’ai fêtée dignement, commémorée fidèlement, célébrée pieusement, évoquée religieusement. Et joyeusement, s’il vous plaît. Avec le saucisson (ou la tête de veau gribiche) et le vin rouge républicains, s’il vous plaît. Et le bonnet phrygien de rigueur. Avec la fanfare, la clique et l’harmonie pour le « ça ira », « la carmagnole » et tout le saint frusquin.

 

 

Et puis voilà que, maintenant, je me demande ce qui m’arrive, je n’ai plus le cœur à ça. Fini, vidé de sa substance, le 21 janvier. Qu’est-ce qui m’arrive ? Me voilà comme GEORGES BRASSENS le 22 septembre : « Un vingte-deux septembre, au diable vous partîtes, et depuis, chaque année, à la date susdite, je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous. Or nous y revoilà, et je reste de pierre, pas une seule larme à me mettre aux paupières. Le 22 septembre, aujourd’hui, je m’en fous ».

 

 

 

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Voilà, c’est arrivé. J’ai mis le temps, vous me direz. Certes. Je n’ai même plus envie d’aller me foutre de la gueule des royalistes et de leur messe commémorative, avec leur folklore, leur latin et leurs déguisements. La technique, la finance et le spectacle ont pris le pouvoir. Plus besoin des idées politiques. Et la mort de LOUIS XVI, aujourd’hui, je m’en fous. Et après tout, pourquoi pas royaliste ?

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

 

lundi, 05 décembre 2011

LA JOURNALISTE FARCIE, C'EST DELICIEUX

C’est dit : aujourd’hui, je me farcis une journaliste.

 

 

La recette ? Prenez une journaliste de niveau CSP+ (moyen supérieur dans la hiérarchie). Pas besoin de l’ouvrir : on garde tout, la peau, les seins, les fesses, les cuisses, le sexe, enfin tout ce qui peut servir, les yeux à la rigueur, pour compléter tout ce qui fait le « sex appeal », comme on ne dit plus. Mettez-la en présence. En présence de qui, blogueur étourdi ?

 

 

Mais en présence de qui vous voudrez, pourvu que ce soit dans le « panel » que nous vous présentons. Un « panel » d’hommes politiques judicieusement choisis, pour être précis. Vous introduisez l’homme politique dans la journaliste, et le tour est joué. Même pas la peine de passer au four : c’est déjà cuit. Servez. C’est toujours chaud. Chaud bouillant, même.

 

 

Je me suis déjà payé la profession journalistique, dans ce blog. Je n’ai pas dit trop de mal des personnes (sauf d’ALAIN DUHAMEL, il ne faut pas demander l’impossible). J’ai dit pis que pendre de cette profession journalistique  structurée comme une mafia et, tiens, c’est bizarre, exactement comme le sont nos personnels politiques des hautes couches de l’atmosphère.

 

 

C’est bizarre, il y avait dans un journal récent un article sur les éditorialistes cumulards, qui courent de presse écrite en plateaux de télévision, et de télé en radio. « Or c’est un usage bien établi », c’est GEORGES BRASSENS qui le dit (« L’Hécatombe »), la politique française se fait sur la base du cumul des mandats. Drôle d’homothétie, vous ne trouvez pas ? C’est peut-être pour ça que l’homme politique est aisément empilable sur la journaliste politique.

 

 

Cumulards de mandats en politique et éditorialistes multicartes dans les médias : j’ajoute les renvois d’ascenseurs couramment pratiqués dans les conseils d’administration des grandes entreprises, qui font que monsieur untel touche quatre ou cinq « jetons de présence » en espèces sonnantes non négligeables, tout ça pour ne pas se donner la peine de siéger aux assemblées des sociétés auxquelles il a été convié par un « ami ».

 

Ainsi, moi qui ne suis pas dans le secret des dieux, loin de là, mais qui lis correctement la presse, je me dis que dans les couches supérieures de ces trois secteurs, règne une logique de mafia. Les « familles » se partagent le gâteau. « Je lui ai dit, à ma femme : à partir d’aujourd’hui, tout le fumier ça sera pour toi ! » (FERNAND RAYNAUD, « J’suis qu’un pauv’paysan »).

 

 

La POLITIQUE, les MEDIAS, les GRANDES ENTREPRISES. Autrement dit : la LOI, la PROPAGANDE, l’ARGENT. Faire la loi pour être juridiquement inattaquable. Bourrer les crânes pour se faire réélire. Racketter les entreprises pour atteindre les deux premiers objectifs. Pour le coup, « racketter » est abusif : les grands patrons se précipitent pour cracher au bassinet. En attendant le retour sur investissement.

 

 

Regardez bien comment tout ça est organisé. Rappelez-vous le référendum de 2005 sur l’Europe : c’était le tir de barrage, venant du triumvirat régnant. L’ordre règne, même si ces gens furent désavoués dans cette occasion. Rassurons-les : en temps ordinaire, les hautes sphères sont fermement « tenues ».

 

 

Evidemment, on me dira que je schématise, que je caricature, que je suis injuste, que je généralise abusivement, que je fais le jeu des extrêmes, et je ne sais trop quoi d’autre. Certes, j’exagère. Mais ne trouvez-vous pas, néanmoins et nonobstant la simplification outrancière,  que ça dessine assez bien les lignes de forces générales du paysage ? Je maintiens que c’est non seulement vraisemblable, voire probable, mais aussi que, dans les grandes lignes, c’est comme ça que ça se passe, dans la réalité.  

 

 

Ce n’est pas la première fois que je concentre mon tir sur la connivence qui règne en général (je parle toujours des hautes couches de l’atmosphère) entre les personnels politiques et les journalistes. Qui sont « à tu et à toi » dans la vie. J’ai failli oublier de préciser que c’est seulement quand les micros et les caméras sont fermés.

 

 

Car, qu’on se le dise : il ne faut pas que ça se sache. Les francs-maçons non plus, ne disent jamais qu’ils « en sont ». Je crois même que ça leur est interdit. Cela n’empêche pas quatre « frères » d’être mis en examen dans l’affaire du Carlton de Lille. C'est le Grand Maître de l'Ordre lui-même qui le dit. De même en Sicile, personne ne porte un écriteau marqué : « homme d’honneur », comme ils se nomment. Le mot d’ordre est simple : secret et solidarité. Gare à qui l’enfreint. Les deux cartouches seront chargées « a lupara » (renseignez-vous).

 

 

Je signale que, dans l’affaire du Carlton de Lille, on retrouve une grande entreprise de travaux publics (Eiffage), des hommes politiques (autour de DSK), des putes et, fait nouveau, des flics. Un article récent (27/28 novembre) du Monde, très documenté, exposait assez bien ce grenouillage, dans un article de EMELINE CAZI et ARIANE CHEMIN, intitulé « DSK et sa circonscription secrète ».

 

 

Je me fiche de savoir s’il est vrai qu’Eiffage, ou FABRICE PASZKOWSKI, a fourni des putes et payé le voyage au cercle de DSK pour des « parties fines », dont certaines ont eu lieu dans le bureau même du directeur général du FMI. Je me borne à relever le fait, exposé en détail dans le journal.

 

 

Je répète que ce n’est pas tel ou tel individu qui est à distinguer ou à vilipender. Ce qui fait hurler, c’est ce qui fait système. C’est comme ça que c’est organisé, structuré. Pour entrer, aucun autre moyen que d’être « adoubé », comme on disait au moyen âge. L’usage assez courant de ce mot en dit d’ailleurs long sur le caractère FEODAL des allégeances mutuelles. Il y a les suzerains, les vassaux, les « vavasseurs » (si si, ça existe).

 

 

Et c’est d’ailleurs drôle : figurez-vous que les journalistes, quand ils rendent compte d’une réunion organisée par ARNAUD MONTEBOURG dans sa circonscription, parlent facilement de son « fief » de Frangy-en-Bresse. Ce que, tous partis confondus, les politiciens dans leur ensemble appellent en chœur « l’ancrage local » pour empêcher quelques utopistes de nuire au sacro-saint cumul des mandats.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre … les femmes journalistes qui se font « farcir ».


 

vendredi, 02 décembre 2011

CONTINUONS LE COMBAT ?

Après le sujet sérieux, après le sujet grave, voilà un sujet  déplaisant. Un sujet qui m’est inspiré par ce que j’entends régulièrement.  

J’étais allé rendre visite à Dédée quelque part en Dauphiné. J’y tenais. Va savoir pourquoi, au fond du fond. Elle avait du mal à tenir debout. Amaigrie à faire peur. Elle trouva néanmoins la force de rire en me disant : « Oui, Frédéric, on retournera dans les marais, un soir de Noël, pour faire les loups ». Quinze jours après, elle n’était plus de ce monde. Je l’aimais beaucoup.

« Faire les loups », je vais vous dire ce que c’est. Pendant une soirée de Noël, tout le monde était sorti pour prendre l’air et faire de la place dans les estomacs pour la suite. Il faisait nuit, il était tard, mais sans plus. Par jeu, j’avais commencé à pousser des cris dans le suraigu, comme je sais faire, à la façon des loups, dit-on. Et comme le proposait le générique d’une émission de radio il y a fort longtemps (« Loup-garou », de PATRICE BLANC-FRANCARD ?).

Dédée s’y était mise, elle faisait ça très bien : on avait donné tous les deux une sorte de concert improvisé, de loups hurlant à la lune. L’imitation devait être assez réussie, si j’en juge par les lumières extérieures des maisons qui s’allumèrent à ce moment.

On entend fréquemment, à propos de gens qui sont morts « des suites d’une longue maladie » ou « d’une cruelle maladie », qu’ils se sont battus avec courage contre la maladie. Dédée ? Oui, elle s’est battue. Mais d’abord, ça veut dire quoi, « se battre contre la maladie » ? Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? J’avoue que je l’ignore.

Se battre contre n’importe quelle maladie, je vois bien. Ça veut dire, en gros, se soigner. On va chez le toubib, il fait un examen sérieux (Docteur L., 30 minutes) ou pas sérieux (Docteur P., 4 minutes, tension comprise), il vous fait rhabiller, il vous fourgue une ordonnance, vous la suivez, vous êtes guéri. On a fait ce qu’il fallait.

Se battre contre la maladie, ça veut donc dire « se soigner ». Accessoirement, ça veut dire, faire ce que le docteur a dit de faire. Et normalement, ça marche. Dans la plupart des cas. Le problème se pose quand la maladie devient « longue » ou « cruelle ».  

 

De l’usage de l’euphémisme et de la périphrase, quand ça devient vraiment grave. GEORGES BRASSENS, dans « Le Bulletin de santé », dit « ce mal mystérieux dont on cache le nom ». Disons-le : il s’agit du cancer. Cancer de ce que vous voudrez, c’est un mot qui fout la trouille. Je signale en passant qu’on n’a pas fini de l’entendre, le mot.

Pour vous en convaincre, allez voir La Société cancérigène, de GENEVIEVE BARBIER et ARMAND FARRACHI : 262 % d’augmentation entre 1950 et 1988, + 20 % entre  1980 et 2000. Les décès ? 7 % en 1920, 30 % en 2000. Un homme sur trois, une femme sur quatre en meurt, aujourd’hui en France. Je ne m’affole pas, j’essaie de voir en face. Je précise quand même que je ne suis pour rien dans cette évolution.

Se battre contre la maladie, j’ai dit que c’était « obéir à son médecin ». Faire ce qu’il ordonne. Vous avez envie de vivre, et vous n’avez pas envie de mourir ? Obéissez. Soumettez-vous à l’autorité du médecin.  Pour le cancer, deux ordonnances : la chirurgie ou la chimiothérapie. Il y a aussi la radiothérapie, mais bon.

Se battre contre la maladie, c’est prendre les médicaments qui sont sur l’ordonnance. C’est aller bien sagement à sa « chimio » pour vomir tripes et boyaux. C’est passer par le bloc opératoire pour se faire enlever un morceau de corps pourri.

C’est ça, que je ne comprends pas : c’est donc ça, se battre ? Et je ne parle que des cas où les toubibs ne se sont pas trompés dans leurs diagnostics, dans leurs appréciations, où ils ont vraiment fait ce qu’il fallait, rien que du pertinent, de l’idoine et de l’adéquat.

Si les gens croient qu’avoir le moral quand on est malade suffit pour vaincre le cancer, libre à eux. Quelle différence objective, à l’arrivée, y a-t-il entre quelqu’un qui « s’est battu » et quelqu’un qui s’est « laissé aller » ? Vous en voyez une, vous ? A quoi ça me servirait, en pareil cas, d’avoir la volonté de « me battre » ?

Non, franchement, je préfèrerais qu’on dise qu’untel ou unetelle a FAIT FACE à la maladie, qu’il ou elle l’a bien regardée dans les yeux. « Se battre », on ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est le genre de pieux mensonge qu’on dit pour réconforter. Je n’aurais pas envie qu’on me réconforte comme ça.

C'est PIERRE DESPROGES qui disait, et il savait de quoi il retournait, dans son propre cas : « Vivons heureux en attendant la mort ». Ça oui, c'est une vraie leçon.

Voilà ce que je dis, moi.

 

PS : Promis, la prochaine fois, je rigole.

 

 

 

mercredi, 30 novembre 2011

DU SAVOIR COURTOIS A HANNAH ARENDT

Résumé : après diverses considérations sur le « savoir courtois », retour laborieux à HANNAH ARENDT.

 

 

A propos de « savoir courtois », il faut dire que, si je fuis tous les « systématistes » et autres élaborateurs extrêmement savants de globalités, de généralités et autres totalités totalisantes, voire totalitaires, il y a bien sûr une part de décision, une décision quasiment politique, le refus horrifié d’une menace qu’on fait peser sur l’individu. Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi une infirmité. Enfin, c’est peut-être une infirmité. Pas sûr.

 

 

Vous voulez que je vous fasse une confidence ? Vous vous rappelez sans doute le 12 juillet 1998, n’est-ce pas ? Eh bien, pendant que deux personnes qui me sont très chères avaient décidé d’aller au cinéma, juste parce que c’était gratuit ce soir-là pour les dames (H.) et demoiselles (J.), j’ai choisi d’écouter Cosi fan tutte, le casque sur les oreilles, qui m’a permis d’échapper aux trois énormes clameurs de la soirée. Je l’ai d’autant moins regretté que les deux personnes en question se sont laissé détourner par « l’ambiance d’enfer » qui régnait place Bellecour, où de gigantesques écrans avaient été dressé. Abdication pitoyable.

 

 

Ce n’est pas pour me vanter, mais j’ai lu Masse et puissance, de ELIAS CANETTI. Un drôle de livre, bizarre, atypique, qui m’a laissé perplexe,  dont le sujet avoué est une analyse du processus qui transforme une « meute » conduite par un chef en « masse » conduite par un « führer », suivez mon regard. Un drôle de livre, qui ne ressemble à aucun autre quant à son objet ou à sa méthode. Où ELIAS CANETTI veut-il en venir ? Ce n’est pas évident. Si je me souviens bien et pour résumer, l’individu, dans la meute, a encore une existence propre, qu’il perd quand celle-ci se transforme en masse. Mais c’est sûrement plus compliqué que ça.

 

 

Pour vous dire, si j’ai fait de l’alpinisme, c’est qu’au sommet du « Moine », du « Grépon » ou de « Trélatête », il y a place pour trois, allez : quatre si on se serre. On est encore des individus. Et on fait de la place au saucisson et au kil de rouge (à 3500 mètres, « la plus humble piquette » (BRASSENS, « Le grand Pan ») se transforme en nectar. Or c’est  le même homme de bien qui l’a dit : « Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on / Est plus de quatre, on est une bande de cons » (« Le pluriel »).

 

 

C’est pourquoi j’ai tiré il y a fort longtemps un trait violent sur les plages du Midi en été, le supermarché le samedi matin, l’autoroute A7 pendant les week ends de « pont », et un certain nombre d’autres lieux qui attirent la concentration du genre humain, devenus comme des camps de sinistre mémoire.

 

 

L’agglutiné vit au rebours de sa propre vie. Ou c’est que je ne sais rien. Je commence à respirer quand l’humain se raréfie. Quand l'individu se dessine et prend forme et consistance.  Supermarché, cinéma ou remonte-pente, l’un des fléaux de notre temps est la file d’attente. Quand il s’agit de faire nombre, je me désagrège. Car il s’agit de faire nombre, il paraît. Il paraît aussi, d’ailleurs, que ça se mesure. Scientifiquement, même.

 

 

J’adapterais volontiers la fable du Corbeau et du Renard en la faisant finir par une sentence comme : « Sachez que tout sondeur vit aux dépens de celui qui répond. Cette leçon vaut bien mon fromage, pauv’con !». J’ai pris « sondeur » parce que ça passait mieux que « statisticien ».  

 

 

J’envierais celui qui porterait sur sa carte d’identité une mention du genre : « Celui qui ne ressemble pas ». Ou : « Perturbateur de statistiques officielles ». Et l’expression « fondu dans la masse » me semble d’une terrifiante vérité. « Fondre » à une température donnée, n’est-ce pas perdre ses contours, ses traits ? Disparaître ? A cet égard, je suis profondément occidental.

 

 

Il paraît que l’oriental se vit comme simple élément d’un grand tout, ce qui a au moins le mérite de faciliter sa disparition, alors que chaque occidental se vit comme une réplique en miniature du centre du monde, et comme tel, irremplaçable. C’est pour ça que SARKOZY se sent obligé de payer des rançons quand des Français sont enlevés au Mali ou au Yémen. Même et surtout quand il nie avoir payé un seul centime.

 

 

Occidental, je suis, occidental je reste. J’accepte l’héritage de l’individu et des Lumières. Plus consciemment et plus volontairement que des gens prêts à piétiner leurs semblables pour rejoindre leur petit carré de plage, parfumé à l’ambre solaire et au suint bestial des animaux vautrés. 

 

 

Vous avez compris pourquoi la télévision n’a jamais franchi mon seuil : être comptabilisé comme un petit sept milliardième de l’humanité ou le  six millionième de l’audience de FRANÇOIS HOLLANDE à la télé m’importe autant que le slip de flanelle que portait le président CARNOT quand il fut assassiné. Le problème de la télévision, c’est qu’elle fait disparaître les individus qui la regardent sans que ces individus s’en rendent seulement compte.

 

 

Bon, je vais quand même tâcher de revenir à HANNAH ARENDT. J’ai un peu l’impression de piétiner à l’entrée. Voire de reculer. Enfin, je me dis que je ne quitte pas tout à fait le terrain. Si j’insiste, c’est que je crois que cette femme, sans a priori, sans volonté de « faire système », nous parle du monde qui est le nôtre, et essaie d’en dégager pour nous le sens. Ce n’est pas une négatrice. Je crois même qu’elle ne l’est pas assez. Mais c’est qu’elle reste attachée à une démarche profondément philosophique.

 

 

Il faut d’abord dire que la Grèce ancienne fascine HANNAH ARENDT, qu’elle est très souvent présente à son esprit comme modèle insurpassé de civilisation, auquel il convient de se référer en priorité. C’est un socle. Pour parler franchement, j’ai buté sur la distinction entre « privé » et « public », et il y a des maillons du raisonnement qui m’échappent.

 

 

« Privé » ? « Public » ? On se rappelle les batailles de chiffonniers qui ont été livrées autour des chiffons « islamiques ». Qu’est-ce que c’est, « l’espace public » ? Il me semble qu’aujourd’hui, on peut dire qu’on entre dans l’espace public dès qu’on sort de chez soi. Si c’est bien ça, ce dont je ne suis pas si sûr, finalement, l’espace privé, j’en conclus que c’est tout simplement « chez soi ». C’est pas logique, ça ? Et bien pour les Grecs de l’antiquité, pas du tout, figurez-vous.

 

 

Si j’ai correctement compris, les Grecs opposaient le social (autrement dit le privé) et le politique (autrement dit le public). Du côté du social, la famille, cellule de base, où le père règne en despote, la famille qui est régie par la nécessité. ARENDT semble soutenir que toute l’économie antique relevait exclusivement de la sphère privée. Du côté du social et de la nécessité, encore, le travail. Tout cela est donc considéré comme relevant de la sphère du privé.

 

 

Du côté du politique, il y a la cité, la « polis » (πόλις), où règne l’égalité entre des individus libres. Être libre, c’est n’être ni chef, ni sujet. C’est dans cette sphère publique que se réalise la politique, que s’exerce le gouvernement. Pour HANNAH ARENDT, cette division des tâches semble être la plus noble qui puisse être, car c'est au niveau de cette vie publique que s'organise la société des hommes.

 

 

Ensuite, ça se complique. Au moyen âge, le privé prend de l’extension, donc le politique en perd logiquement, parce que le gâteau essentiel n’est pas plus gros qu’avant, ce qui entraîne une contamination du politique par le social, et de ce fait même, une réduction de l’homme à une fonction économique. Jusque-là, c’est logique.

 

Si j’ai correctement compris, c’est au 18ème siècle qu’apparaît la notion d’intimité. Et c’est là que, pris en sandwich entre le « public » proprement politique et le « privé » (tout le reste ?), s’interpose quelque chose qu’elle appelle le « social ». Et si j’ai correctement compris, ce dernier est assez envahissant. On change de dimension. On passe de la famille à la société, mais en gardant le despotisme. Dans la famille ancienne, le despote, c’est le « paterfamilias ». Dans la société, c’est la MAJORITÉ, le despote.

 

 

Et qu’est-ce qu’elle devient, l’égalité ? Ben oui, c’est quand même dans la devise républicaine, non ? Là, HANNAH ARENDT a une idée qui me semble GENIALE. L’égalité des Grecs anciens, c’est de n’être ni chef, ni sujet. Notre égalité à nous, c’est le CONFORMISME. Parfaitement ! C’est rude, je sais. Et un conformisme conscient, lucide, voulu par la structure elle-même. La preuve ? La statistique, mon bon monsieur. La reine des sciences sociales. « La science sociale par excellence », dit HANNAH ARENDT.

 

 

Là, je ne peux pas faire moins que de renvoyer à mon blog KONTREPWAZON et aux articles sur les statistiques et le terrorisme de la moyenne (2008). Pourquoi ? Parce que je crois que l’entrée de la société dans la statistique fait passer l’Occident d’une ère proprement politique de la vie humaine en liberté à l’ère de la gestion comptable de l’humanité réduite à l’état de stock.

 

 

Même si ce n’est qu’une hypothèse, ça mérite d’être médité, en ces temps de propagande enfoncée dans le crâne des foules à coups de télévision et de radio (tous partis confondus). Attention, mesdames et messieurs, c’est qu’il y a de la pensée, ici !

 

 

Ben réfléchissez ! Au moment où la statistique et la moyenne font leur apparition, l’attitude et le comportement des dirigeants CHANGENT. Avant, qu’est-ce qu’ils ont, comme outils ? Rien. On commence aux missi dominici, aux préfets, aux commissaires, aux fermiers généraux, qui sont tous envoyés par le haut pour faire régner l’ordre du haut. C’est, on l’admettra facilement, ALEATOIRE.  

 

 

A partir du moment où, tout en haut, on sait, par exemple, sur combien d’hommes costauds on peut compter pour la prochaine guerre, parce qu’on a pris le soin de les compter, mais rendez-vous compte de l’avantage ! Il semblerait que ça ait commencé avec LOUIS XIV. Et la statistique, qui n’est pas une science, mais une suite d’opérations, va permettre l’épanouissement d’une autre discipline, une discipline dévorante, qui va bientôt prétendre au noble statut de science alors qu’elle n’y a aucun droit : l’ECONOMIE.

 

 

HANNAH ARENDT écrit : « L’économie ne put prendre un caractère scientifique que lorsque les hommes furent devenus des êtres sociaux et suivirent certaines normes de comportement ». Ce qui est extraordinaire, dans cette mutation brutale (« rupture », mais pas en termes sarkozystes), c’est que la moyenne statistique s’impose bientôt comme une NORME. Autrement dit, magie-magie : le simple constat prend force de loi.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre ? Peut-être.